Physiologie de la digestion

1 Les enzymes digestives

1.1 Définition et fonction d'une enzyme

Une enzyme est une protéine capable d'induire ou d'accélérer une réaction chimique sans être elle-même modifiée. On dit qu'elle catalyse une réaction chimique. Elle peut être le catalyseur d'une réaction anabolique, au cours de laquelle une substance est construite, d'une réaction catabolique lorsque le substrat est détruit, ou d'une réaction métabolique au cours de laquelle le substrat est modifié.

Cliquez ici pour visionner un film montrant la digestion d'un substrat par une enzyme (extrait de http://tidepool.st.usm.edu/pix/enzyme.mov).

1.2 Action d'une enzyme digestive

Une enzyme digestive catalyse bien sûr une réaction catabolique de digestion. Cette enzyme digestive est capable de décomposer un substrat spécifique en deux ou plusieurs produits qui le composent. De façon générale, la digestion est la lyse des macromolécules en petites molécules.

1.3 Nomenclature des enzymes

On nomme généralement une enzyme selon sa fonction et/ou le substrat sur lequel elle agit. Pour exemple, une lactase digère le lactose, une carboxypeptidase digère les protéines en détruisant les liens (dits "peptidiques") qui unissent les acides aminés composant la protéine et en s'attaquant à la molécule du côté de l'acide (dit "carboxylique").

1.4 Les différentes enzymes digestives et leur action

1.4.1 Enzyme des glandes salivaires

Les trois paires de glandes salivaires ( glandes parotides, sous-maxillaires et sublinguales ) sécrètent quotidiennement 1 l d'amylase salivaire capable de digérer l'amidon en maltose.

1.4.2 Enzyme de l'estomac

Les cellules du fond des puits de l'estomac sécrètent quotidiennement 1 l d'une enzyme inactive, le pepsinogène, transformée par l'acide chlorhydrique, (= chlorure d'hydrogène) sécrété par les cellules pariétales des puits de l'estomac, en pepsine, enzyme active capable de décomposer les protéines en peptides. Les cellules des bords des puits gastriques synthétisent un mucus qui protège la muqueuse gastrique contre sa propre digestion.

1.4.3 Enzymes du pancréas

Le pancréas est la plus importante glande digestive car il sécrète quotidiennement 1-1,5 l de suc pancréatique légèrement alcalin, neutralisant dans le duodénum l'acidité de l'estomac, et comprenant plusieurs enzymes capables de digérer glucides, protides et lipides.

Une amylase pancréatique permet de digérer l'amidon en maltose.

Une lipase pancréatique décompose les triglycérides en acides gras et glycérol ou en acides gras et monoglycérides .

Les protéases pancréatiques sont, comme la pepsine gastrique, synthétisées sous une forme inactive: la trypsine, activée dans l'intestin grêle à partir de trypsinogène, et la chymotrypsine, activée dans l'intestin grêle à partir de chymotrypsinogène, digèrent les protéines en peptides; la carboxypeptidase, activée dans l'intestin grêle à partir de procarboxypeptidase, tire son nom du fait qu'elle digère les protéines, acide aminé par acide aminé, par le bout acide de ces protéines.

1.4.4 Enzymes produites par l'intestin grêle

C'est également dans l'intestion grêle qu'agissent les enzymes produites par la paroi de l'intestin: maltase, invertase et lactase digèrent trois osides doubles en leurs sucres simples respectifs; l'aminopeptidase agit comme la carboxypeptidase mais en attaquant les protéines par l'autre extrémité, aminée; la dipeptidase scinde les groupes de deux acides aminés (= dipeptides); deux nucléases digèrent les acides nucléiques (ADN et ARN) composant les noyaux des cellules.

Enzyme

Origine

Substrat

Produit

Amylase salivaire

Glandes salivaires

Amidon

Maltose

Pepsine

Estomac

Protéines

Peptides

Amylase pancréatique

Pancréas

Amidon

Maltose

Trypsine

Pancréas

Protéines

Peptides

Chymotrypsine

Pancréas

Protéines

Peptides

Carboxypeptidase

Pancréas

Protéine du côté acide

Acide aminé

Lipase pancréatique

Pancréas

Triglycéride

Acides gras et glycérol

Maltase

Intestin grêle

Maltose

Glucose

Invertase

Intestin grêle

Saccharose

Glucose et fructose

Lactase

Intestin grêle

Lactose

Glucose et galactose

Aminopeptidase

Intestin grêle

Protéine du côté aminé

Acide aminé

Dipeptidase

Intestin grêle

Dipeptide

Acide aminé

Désoxyribonucléase

Pancréas et intestin grêle

Acide désoxyribonucléique

Pentose et bases azotées

Ribonucléase

Pancréas et intestin grêle

Acide ribonucléique

Pentose et bases azotées

2 Rôles de la bile

Le foie sécrète quotidiennement 1 l de bile, liquide jaunâtre à vert olive collecté par la vésicule biliaire qui le déverse dans le duodénum au passage du bol alimentaire. La bile agit sur les lipides du chyme en émulsifiant ceux-ci. La surface de digestion des corps gras est dès lors fortement augmentée, facilitant l'action de la lipase.

La bile joue aussi un important rôle excréteur. Elle évacue une partie du cholestérol venant du foie, soit tel quel, soit sous forme de sels biliaires. La bile évacue aussi la bilirubine, pigment circulant en surabondance dans le sang des nouveaux-nés chez qui le foie n'est pas encore complètement fonctionnel -c'est la jaunisse des nouveaux-nés- et qui provient de la dégradation de l'hémoglobine des globules rouges. La bilirubine est dégradée dans l'intestin et les produits de cette dégradation colorent les fèces.

3 Transit digestif

3.1 La digestion mécanique

Les mouvements de l'intestin grêle sont de deux types:

Illustration du mécanisme de la segmentation par 3 schémas successifs de l'intestin grêle en coupe longitudinale (d'après Tortora, G. et N. Anagnostakos - 1988).

Illustration du mécanisme du péristaltisme par 3 schémas successifs de l'intestin grêle en coupe longitudinale; les flèches indiquent le sens de progression du chyme (d'après Farish, D. - 1993, modifié).

3.2 Temps de digestion

Au bout de 1-2 heures, le bol alimentaire est concentré dans l'estomac et le duodénum. Entre 2 et 5 heures, il occupe tout l'intestin grêle. Après 5-9 heures, le bol arrive dans la première moitié du colon. Pour atteindre la seconde moitié, il faut attendre de 9 à 24 heures.

Illustration schématique et chronologique du transit intestinal chez l'Homme: le tube digestif est représenté en noir, les glandes associées en rouge et le bol alimentaire en orange (dessin original Eric Walravens).

4 L'absorption intestinale

4.1 Augmentation de la surface d'absorption

Afin d'absorber rapidement les produits de la digestion, la surface intestinale est extrêmement grande (200 m2!) par rapport au volume occupé par l'intestin grêle. Ce développement considérable s'observe à plusieurs niveaux:

Augmentation de la surface d'absorption intestinale, à différents niveaux (dessin composé à partir de sources diverses).

4.2 Destination des produits absorbés

Chaque villosité intestinale contient un réseau de vaisseaux sanguins et un petit vaisseau lymphatique, le canal chylifère. Les produits de digestion des glucides et des protides passent dans les vaisseaux sanguins puis dans la veine porte qui les emporte au foie. Les produits de digestion des lipides sont absorbés par le canal chylifère, passent donc dans la lymphe qui se déverse plus loin dans le sang, près du cœur. Le chyle est de la lymphe contenant des lipides émulsionnés.

5 Les fèces

5.1 Rôle du colon et diarrhée

Le gros intestin ou colon est le siège de la résorption d'une grande partie de l'eau qui n'a pas été absorbée avec les nutriments dans l'intestin grêle. La diarrhée est l'évacuation de fèces liquides et est due au passage trop rapide du chyme dans l'intestin grêle et des fèces dans le gros intestin. Comme le vomissement, la diarrhée peut entraîner la déshydratation de l'organisme.

5.2 Composition des fèces, constipation et flore intestinale

C'est dans le colon que les fèces (= les excréments) se forment. Elles sont composées, outre l'eau et les sels minéraux, des cellules mortes de la muqueuse digestive -celles-ci ne vivant que de 3 à 6 jours-, des substances fabriquées ou excrétées par le foie (bile, cholestérol, bilirubine dégradée,...), des bactéries de la flore intestinale, des produits de la décomposition bactérienne et des aliments non digérés telles que les fibres cellulosiques. Le manque de fibres dans l'alimentation est l'une des causes de la constipation, affection due au passage trop lent des fèces, dès lors sèches et dures.

La flore bactérienne intestinale est faite de bactéries utiles vivant naturellement en permanence dans le colon. Elles sont responsables de la fabrication des vitamines B9, B12 et K, et fermentent également certains glucides non digérés en libérant des gaz malodorants (méthane, sulfure d'hydrogène).

6 La digestion de la cellulose

6.1 La cellulose, un aliment non digestible

Depuis le début de l'ère tertiaire, descendant d'ancêtres communs, les carnivores terrestres et les ongulés vivent ensemble, les premiers se nourrissant des seconds. Les herbivores consomment, quant à eux, la nourriture la plus abondante sur terre: les plantes. Mais la cellulose, glucide composant la paroi des cellules des végétaux, n'est pas digérée par les enzymes du tube digestif des mammifères. Ces herbivores ont acquis, au cours de l'évolution, une intéressante adaptation: celle de contenir, dans le tube digestif, des micro-organismes capables d'effectuer pour eux cette digestion. Divers systèmes existent selon les espèces.

6.2 Le cas du cheval

A côté des éléphants et des rhinocéros, chez qui la fermentation a lieu dans l'intestin, les chevaux ont développé une poche spéciale, le cæcum, disposée latéralement entre l'intestin grêle et le colon, et où a lieu cette fermentation .

Petit cheval polonais ou Konik Polsk Equus caballus, Equidae, Périssodactyles (Pagny-sur-Meuse, Département de la Meuse, Région de Lorraine, France - 10/06/2000 Diapositive originale réalisée par Eric Walravens).

6.3 Le cas du lapin

Chez les lapins, qui possèdent aussi un cæcum à fermentation, une partie des produits digérés passe dans le sang, mais le reste, comprenant entre autres l'importante vitamine B12, serait perdu si ces animaux n'avalaient pas leurs cæcotrophes, résultant d'un premier passage des aliments dans le tube digestif et le cæcum. Il s'ensuit que les lapins ont deux sortes d'excréments: de petites pilules molles, noires et visqueuses, vitaminées et riches en protéines, déféquées et avalées la nuit chez les espèces diurnes et le jour chez les espèces nocturnes, et les crottes classiques dures et sèches, déposées en masse.

Alimentation du lapin: digestion enzymatique, fermentation cæcale des aliments fibreux riches en cellulose, cæcotrophie et formation des crottes. Le tube digestif est coloré en vert, le système nerveux en jaune, l'appareil respiratoire en bleu pâle, le cœur en rouge et le système urogénital en brun orangé. (Dessin réalisé par Eric Walravens à partir d'une illustration de End, S. et J. Woodcock - 1991).

Lapin de garenne Oryctolagus cuninculus, Leporidae, Lagomorphe (Forêt de Soignes, Province de Brabant, Belgique - Diapositive originale réalisée par Eric Walravens).

6.4 Le cas des ruminants

Chez les ruminants, représentés entre autres par les chameaux, les lamas, les cerfs, les girafes et okapis, les moutons, les chèvres, les vaches et les antilopes, et toutes les espèces apparentées à celles-ci, l'estomac est profondément modifié pour faire sous-traiter la digestion de la cellulose par des micro-organismes.

Cerf élaphe mâle Cervus elaphus, Cervidae, exemple de mammifère ruminant (Parc à gibier de La Reid, Theux, Belgique - 17/09/1994 - Diapositive originale réalisée par Eric Walravens).

Mouton Ovis aries, Bovidae, exemple de mammifère ruminant (Trujillo, Estremadure, Espagne - 20/04/1992 - Diapositive originale réalisée par Eric Walravens).

Bouquetin des Alpes mâle Capra ibex, Bovidae, exemple de mammifère ruminant (Parc à gibier de La Reid, Theux, Belgique - 17/09/1994 - Diapositive originale réalisée par Eric Walravens).

Yack Bos mutus = B. grunniens, Bovidae, exemple de mammifère ruminant (Parc à gibier de La Reid, Theux, Belgique - 17/09/1994 - Diapositive originale réalisée par Eric Walravens).

Jeune bison d'Europe Bison bonasus, Bovidae, exemple de mammifère ruminant (Parc à gibier de La Reid, Theux, Belgique - 17/09/1994 - Diapositive originale réalisée par Eric Walravens).

Eland du Cap Tragelaphus oryx, Bovidae, exemple de mammifère ruminant (Jardin zoologique de Planckendael, Belgique - 20/08/1996 - Diapositive originale réalisée par Eric Walravens).

La nourriture végétale avalée sans être mastiquée (1) passe d'abord dans la panse ou rumen. La panse stocke les aliments fibreux (2) et la cellulose y est décomposée par fermentation grâce à des bactéries (Clostridum, Ruminococcus) et des protozoaires anaérobies . Une partie des produits de fermentation est directement absorbée par le ruminant à travers la panse. Les aliments qui n'ont pas été mâchés flottent à la surface de la panse et sont régurgités dans la bouche (3) pour y être mâchés à nouveau et mélangés à la salive. Cette étape est la rumination (4). Les aliments mâchés atteignent le bonnet où ils sont mis en boulettes et où les fractions liquides sont digérées. Ensuite, au niveau du feuillet aux lamelles masticatrices, une partie de l'eau des aliments pétris est résorbée (5): le bol alimentaire y est désseché et comprimé. Enfin, la caillette constitue le véritable estomac (6), qui possède un ferment gastrique, la présure, que l'on utilise en fromagerie pour faire cailler le lait. Dans cette caillette, il y a effectivement sécrétion d'acide et d'enzymes digestives, et l'animal récupère les nutriments des microorganismes en digérant les microorganismes eux-mêmes.

Anatomie digestive et trajet suivi par les aliments fibreux chez la vache, un exemple de ruminant.