Structure et reproduction des champignons

 1 Etymologie

"Le sort voulut que la prédiction de l'oracle s'accomplît et que le héros grec Persée tuât accidentellement son propre grand-père Acrisios, à qui il avait succédé sur le trône d'Argos. Ne supportant pas la triste réputation que cet accident lui avait valu auprès de ses sujets, Persée convainquit Mégapenthès, fils de Protéos, d'échanger leurs couronnes. S'étant mis en route pour prendre possession de son nouveau royaume, Persée, fatigué et assoiffé, put se désaltérer avec l'eau recueillie dans le chapeau d'un champignon. Il décida de fonder à cet endroit une nouvelle capitale et de lui donner le nom de Mycènes en souvenir du champignon" ("mukês" en grec).

Telle est une des versions de la légende que nous a transmise Pausanias : ainsi, une des plus grandes civilisations du passé, la civilisation mycénienne, dut peut-être son nom à un champignon légendaire. La racine grecque se retrouve aujourd'hui dans les termes "mycophage", "mycologie", "mycose"...

Le symbole de vie représenté par le champignon dans la légende grecque devint symbole de mort dans la civilisation romaine. Les Romains étaient de grands amateurs de champignons du point de vue gastronomique, comme en témoignent de nombreuses recettes culinaires qui sont parvenues jusqu'à nous grâce aux écrivains de l'époque. Encore aujourd'hui, l'un des joyaux culinaires méditerranéens, l'oronge, baptisée par les Romains "mets des dieux", est appelé amanite des Césars Amanita caesarea. Les Romains parlaient cependant des champignons sous le terme de "fungus", qui signifiait peut-être "porteur de mort" ("funus ago"). On retrouve cette racine dans les mots "fongicide", "fongiforme", le terme anglais "fungivorous"...

2 Diversité des champignons

Il existe plus de 200 000 espèces de champignons! Leur diversité est immense tant par leur aspect que par leurs relations avec l'Homme.

• On connaît bien sûr les champignons des prés et des bois, dont on cultive certaines espèces sur des mottes de paille ou dans des champignonnières souterraines. Il s'agit des sporophores naissant d'un filament souterrain pérenne: le mycélium. Parmi eux, on trouve, entre autres, les amanites, les agarics, les russules, les bolets, les polypores et autres morilles. Mais nombre de champignons moins spectaculaires sont de première importance sur les plans économique, sanitaire et écologique.
• Les levures nous permettent de réaliser la fermentation du sucre en boulangerie ou en brasserie, en transformant ce sucre en dioxyde de carbone et en alcool. Ces déchets d'une réaction que ces champignons effectuent dans le but de se pourvoir en énergie sont recherchés par l'Homme, respectivement pour faire lever le pain et pour créer des boissons alcoolisées.
• Si les moisissures sont généralement considérées comme une peste, certaines espèces, comme Penicillium, se révèlent très utiles pour l'Homme, car elles fabriquent naturellement des substances antibiotiques, permettant à l'Homme de lutter contre les maladies bactériennes.

Moisissures, Ascomycètes sur une confiture de mirabelle (Hamois, Condroz, Province de Namur, Belgique - 24/11/1993 - Diapositive originale réalisée par Eric Walravens).

• De nombreux champignons microscopiques s'attaquent plus ou moins gravement aux végétaux horticoles ou de culture : l'oïdium, la rouille et le mildiou sont les plus connus. Ils ont une incidence certaine sur notre économie. Le mildiou de la pomme de terre, Phytophthora infestans, détruit le feuillage, et les tubercules atteints contiennent un dangereux alcaloïde causant des avortements ou un grave handicap à la naissance. Entre 1843 et 1847, ce champignon détruisit les champs de patates en Irlande, ce qui causa une terrible famine: 2 millions de personnes moururent et 1 million de gens émigrèrent vers l'Amérique.
• C'est encore un champignon qui cause le "pied d'athlète", une inflammation située entre les orteils ou sur la plante des pieds, dont les symptômes sont des lésions rougeâtres et un peau qui pèle. Cette affection, qui survient chez des sujets présentant une sudation exagérée, est soignée par des bains dans des solutions antiseptiques.

3 Classification des champignons

On reconnaît 3 grandes divisons au sein du règne des champignons :

• Les myxomycètes ou mycétozoaires regroupent ce que les Américains ont baptisé de manière très imagée les "slime molds", et que l'on pourrait traduire par "moisissures baveuses". Les cellules des myxomycètes ne possèdent pas de paroi, et elles se nourrissent par ingestion, comme une amibe. De ce fait, les zoologistes revendiquent ces très curieux organismes comme faisant partie du règne animal. On rencontre fréquemment dans nos bois quelques représentants de ce groupe : la fleur de tan Fuligo septica, sorte de minuscule éponge jaune vif venant au sol ; Lycogala epidendron formant de petites sphères roses sur le bois mort ; les discrets Physarum et Arcyria à l'abri des feuilles mortes.
• Les cellules des oomycètes possèdent bien une paroi, mais celle-ci est faite de cellulose. Parmi ces champignons aquatiques ou parasites d'organismes terrestres, on trouve Saprolegnia, la mousse des poissons vivants (qui couvre aussi de nombreux cadavres d'autres animaux aquatiques) et Phytophthora infestans, le mildiou de la pomme de terre
• Les eumycètes forment le groupe de champignons le plus nombreux et le mieux connu. Les cellules des eumycètes possèdent toutes une paroi de chitine. Ce groupe rassemble les zygomycètes, discrets champignons terrestres aux filaments non cloisonnés (Mucor, la moisissure du pain, par exemple), ainsi que les ascomycètes (truffes, morilles, pezizes, helvelles,...) et les basidiomycètes (la majorité des champignons de nos bois et de nos prairies), deux groupes de champignons aux filaments cloisonnés en cellules, se distinguant par le type de cellule (asque ou baside) qui donne naissance aux spores (voir plus loin).

Notons que, à côté du cas très particulier des myxomycètes, on distingue parfois les champignons supérieurs bien connus, des champignons dits inférieurs, appelés phycomycètes ou siphomycètes: ce groupe "fourre-tout" comprend de nombreuses espèces microscopiques dont les filaments ne sont pas cloisonnés en cellules. En réalité, ce groupe rassemble les oomycètes et certains eumycètes (les zygomycètes).

4 Aspect et reproduction des myxomycètes ou mycétozoaires

Un myxomycète consiste en une masse visqueuse de protoplasme contenant de nombreux noyaux et appelée plasmode. Sans forme définie, ce plasmode rampe lentement par des mouvements amiboïdes à la surface du bois mort, sur les feuilles, dans les crevasses, ingérant au passage des particules alimentaires. Ces caractéristiques sont celles d'un animal! Mais avant de se reproduire, le plasmode cesse de se mouvoir, édifie un sporange de forme déterminée au sein duquel se forment de nombreuses spores destinées à la reproduction et la dissémination ; ces spores sont des cellules uninucléées qui possèdent une paroi de cellulose, à l'instar des cellules de plantes ! Emportées par le vent, ces spores ne germent qu'en présence d'eau : la paroi se rompt, libérant soit une cellule flagellée, soit une cellule déformable comme une amibe. Une telle cellule se nourrit alors et se multiple par divisions successives. Il apparaît ensuite un phénomène sexuel: 2 cellules fusionnent pour former un zygote. Enfin, soit le zygote grandit pour former un nouveau plasmode, soit plusieurs zygotes fusionnent pour former un tel plasmode. Ce plasmode est soit acellulaire (il est formé dans ce cas d'un unique masse de cytoplasme contenant de nombreux noyaux), soit cellulaire (les membranes des zygotes qui ont fusionné ne disparaissent pas dans ce cas et le plasmode apparaît alors formé de plusieurs cellules intimement liées).

Fleur de tan Fuligo septica, Myxomycète (Watermael-Boitsfort, Province de Brabant, Belgique - 23/07/1992 - Diapositive originale réalisée par Eric Walravens).

Lycogala epidendron, Myxomycète (Belgique - Diapositive originale réalisée par Eric Walravens).

Myxomycète (Hautes-Fagnes, Province de Liège, Belgique - Diapositive originale réalisée par Eric Walravens).

Ceratiomyxa fruticulosa, Myxomycète (Havelange, Condroz, Province de Namur, Belgique - 26/08/2008 - Photographie originale réalisée par Eric Walravens).

5 Aspect et reproduction des oomycètes

5.1 Structure d'un oomycète

Si l'on jette quelques mouches mortes dans de l'eau provenant d'un fossé ou d'un aquarium, celles-ci se couvrent après quelques jours d'un réseau de petits filaments blanchâtres. Cet ensemble de filaments est le mycélium d'un champignon oomycète du genre Saprolegnia, la mousse des poissons qui s'attaque aux cadavres des poissons et parasite parfois les poissons vivants. Au microscope, le mycélium apparaît formé de longs filaments minces translucides: les hyphes ou filaments mycéliens. Chez les oomycètes, les hyphes sont ramifiés et non cloisonnés: ils contiennent un amas de cytoplasme continu et de nombreux noyaux. Le mycélium a peu tendance à se reproduire lorsqu'il croît avec suffisamment de nourriture.

Saprolegnia, Oomycète couvrant le cadavre d'une épinoche Gasterosteus aculeatus (Watermael-Boitsfort, Province de Brabant, Belgique - Diapositive originale réalisée par Eric Walravens).

5.2 Reproduction asexuée d'un oomycète

Mais lorsqu'on transfère cette masse de mycélium dans de l'eau distillée, où la nourrriture manque, l'extrémité de certains filaments développe une partie renflée et séparée du reste par une cloison : ce sont les sporanges. Chaque sporange est une cellule plurinucléée, dont le contenu va se cellulariser en un grand nombre de spores, possédant chacune un noyau et un peu de cytoplasme. A maturité, les spores s'échappent du sporange et nagent dans l'eau au moyen de deux flagelles : étant donné leur mobilité, on les appelle plus précisément des zoospores. C'est un mode de reproduction asexué. Chaque spore peut en effet donner naissance à un nouveau mycélium.

5.3 Reproduction sexuée d'un oomycète

Il existe en outre une reproduction sexuée : à l'extrémité de certains hyphes, les oogonies, sortes de grosses cellules sphériques, peuvent donner naissance à plusieurs oeufs ( =ovules ). Chaque oeuf sera fécondé en place par un noyau provenant d'une anthéridie, cellule productrice de gamètes mâles ( dans ce cas très primitif, les gamètes mâles ne sont pas individualisés comme c'est le cas des spermatozoïdes, mais réduits à leur plus simple expression : un noyau ). Le zygote, ou oeuf fécondé, forme autour de lui une paroi résistante et constitue une oospore pouvant résister dans des conditions extrêmes, puis germer pour donner un nouveau mycélium.

6 Aspect et reproduction des eumycètes

6.1 Les zygomycètes

Si on laisse traîner dans une boîte de Pétri un peu de compote de pommes ou une tranche de pain humide, il apparaît en surface au terme de quelques jours un réseau feutré gris argenté. Parmi ces filaments mycéliens à croissance horizontale et ancrés dans la nourriture grâce à des hyphes ramifiés, se développent des hyphes verticaux terminés par de petites boules noires: les sporanges.

Il s'agit d'un zygomycète, le plus souvent de Mucor mucedo.

Les zygomycètes se distinguent des oomycètes par leurs spores immobiles, dépourvues de flagelle, et, nous l'avons vu, par leur paroi cellulaire en chitine

Lorsque deux mycelia de types différents se rencontrent, les hyphes de l'un (qu'on baptisera +) et de l'autre (qu'on baptisera -) fusionnent par endroits et produisent des zygospores qui, une fois entourés d'une paroi résistante, supporteront des conditions extrêmes. Il y a donc reproductions asexuée (spores) et sexuée (zygospores).

6.2 Les ascomycètes et basidiomycètes

6.2.1 Sporophore et mycélium

Ce que l'on appelle communément "champignon" n'est que la partie émergée de l'iceberg d'un organisme souterrain qui est principalement constitué d'une masse de mycélium. Tout comme le pommier porte chaque année ses fleurs, la masse mycélienne d'un champignon produit des sporophores dans le but de se reproduire; le sporophore est en quelque sorte la fleur du champignon. Le mycélium est méconnu car il mène une existence cachée, enfouie dans le sol ou dans l'épaisseur d'un tronc d'arbre.

Rhizomorphes "en lacet de soulier" et disposés sous l'écorce d'un arbre, d'armillaire Armillaria mellea, Tricholomataceae, Agaricale, Basidiomycète (Watermael-Boisfort, Province de Brabant, Belgique - Diapositive originale réalisée par Eric Walravens). Un rhizomorphe est une forme d'extension et de colonisation d'un champignon constituée par la juxtaposition voire la soudure très intime de nombreuses hyphes parallèles.

Le mycélium est formé d'un réseau lâche et dispersé de filaments ou hyphes alors que le sporophore en est un amas condensé et structuré en une forme précise. Le sporophore est un organe souvent éphémère, qui n'existe que chez les champignons les plus évolués: les ascomycètes et les basidiomycètes.

Sporophore d'amanite épaisse Amanita spissa,Amanitaceae,Agaricale, Basidiomycète (Hautes-Fagnes, Province de Liège, Belgique - Diapositive originale réalisée par Eric Walravens).

6.2.2 Structure et développement du sporophore

Dans certaines conditions, les hyphes du mycélium peuvent former des bourgeons aériens en forme d'oeuf qui n'attendent qu'un peu d'eau et de chaleur pour se développer. Ainsi, à la faveur de la pluie d'une chaude nuit d'automne, les sporophores poussent si vite que cela paraît parfois miraculeux.

L'"oeuf" est entouré d'une enveloppe, le voile général, qui se rompt lors de la croissance du sporophore, laissant parfois une volve hémisphérique engainant la base du pied, et des squames (ou des mêches), sur la cuticule du chapeau, provenant de la déchirure de la partie supérieure du voile général. Lorsque le chapeau du sporophore s'étale, le voile partiel qui protégeait les lames (=lamelles), se déchire et persiste parfois autour du pied sous forme d'un anneau d'aspect variable.

Jeune sporophore de lépiote Echinoderma aspersum =Lepiota acutesquamosa, Agaricaceae, Agaricale, Basidiomycète (Forêt de Soignes, Province de Brabant, Belgique - Diapositive originale réalisée par Eric Walravens). Remarquez le voile partiel qui, après déchirure, se résout en un anneau autour du pied, et les squames disposées sur le chapeau, reliquat du voile général.

L'hyménium, surface productrice des spores, se présente différemment selon les espèces de champignons: il s'agit souvent de lames (amanites, russules, pleurotes...), ou de tubes s'ouvrant vers le bas par de minuscules trous, les pores (bolets et polypores). Mais il peut revêtir l'aspect d'aiguillons (hydne ou pied-de-mouton), de replis grossiers (chanterelles) ou tout simplement recouvrir extérieurement les chapeaux aux formes les plus diverses (clavaires, xylaires, helvelles, morilles, pezizes...). Enfin, l'hyménium peut être interne au sporophore (truffes), et ne libérer ses spores que lorsque le sporophore se déchire: c'est le cas des gast(é)romycètes (sclérodermes, lycoperdons ou vesses-de-loup).

Russules jolies Russula lepida, Russulaceae, Russulale, Basidiomycète (Forêt de Soignes, Watermael-Boitsfort, Province de Brabant, Belgique - Diapositive originale réalisée par Eric Walravens). L'hyménium, surface productrice de spores, présente des lames sous le chapeau.

Sporée d'un champignon à lames, Agaricale, Basidiomycète (Schaerbeek, Province de Brabant, Belgique - 06/11/2003 - Scan original réalisé par Eric Walravens). Le chapeau du sporophore a été déposé durant 12 heures sur une feuille de papier blanc, et les spores libérées à maturité s'y sont déposées en dessinant les espaces entre les lames de l'hyménium. La couleur des spores est un caractère important pour distinguer les genres de champignons.

Boletus luridus, Boletaceae, Boletale, Basidiomycète (Montagnes-aux-buis, Dourbes (Viroinval), Calestienne, Province de Namur, Belgique - 28/08/1999 - Diapositive originale réalisée par Eric Walravens). L'hyménium, surface productrice de spores, présente des tubes, qui s'ouvrent vers le bas par des pores, sous le chapeau.

Pied-de-mouton Hydnum repandum, Hydnaceae, Aphyllophorale, Basidiomycète (Forêt de Soignes, Province de Brabant, Belgique - Diapositive originale réalisée par Eric Walravens). L'hyménium, surface productrice de spores, présente des aiguillons sous le chapeau.

Helvelle crépue Helvella crispa, Helvellaceae, Pezizales,Basidiomycètes (Forêt de Soignes, Watermael-Boitsfort, Province de Brabant, Belgique - Diapositive originale réalisée par Eric Walravens).

Xylaria polymorpha,Xylariaceae,Sphaeriales,Basidiomycètes (Forêt de Soignes, Auderghem, Province de Brabant, Belgique - 02/02/1982 - Diapositive originale réalisée par Eric Walravens).

Pezize orangée Aleuria aurantia, Pezizaceae, Pezizale, Ascomycète (Forêt de Soignes, Province de Brabant, Belgique - Diapositive originale réalisée par Eric Walravens). L'hyménium producteur de spores est la surface interne du sporophore en forme de coupe.

Calvaties en coupe Calvatia excipuliformis, Lycoperdaceae, Lycoperdales, Basidiomycètes libérant des nuages de spores (Scy, Condroz, Province de Namur, Belgique - 28/02/1999 - Diapositive originale réalisée par Eric Walravens). L'hyménium est interne et les spores s'échappent, telle une poussière colorée, par un pore s'ouvrant, à maturité, au sommet du sporophore.

6.2.3 Cycle reproductif

(illustration: http://biodidac.bio.uottawa.ca/index.htm)

Les sporanges (= asques chez les ascomycètes ou basides chez les basidiomycètes) sont dressés côte à côte, constituant une couche fertile très mince, l'hyménium. Ces cellules donnent, par définition, naissance aux spores. 100 000 spores sont formées par heure, et ceci pendant 5 jours, soit 12 milliards de spores, pour un sporophore d'agaric des prés! Lorsqu'une spore tombe au sol, elle germe, forme une hyphe par divisions successives puis un nouveau mycélium. Ce mycélium primaire est cloisonné, mais formé de cellules plurinucléées. A partir de ce stade, la reproduction du champignon peut être asexuée ou sexuée. Dans le premier cas, le mycélium primaire produit des spores de dissémination ou forme des sporophores.

Dans le cas de la reproduction sexuée, lorsque deux hyphes de polarités complémentaires se rencontrent, ils fusionnent en un seul filament. Cette hyphe est formée d'articles plus courts, pourvus de deux noyaux et appelés dicaryons. Les hyphes à dicaryons continuent de croître et forment le mycélium secondaire, qui bourgeonnera des sporophores.

Les champignons sont dits homothalliques ou hétérothalliques selon que les hyphes du mycélium primaire fusionnant pour former le mycélium secondaire proviennent d'un même mycélium ou de deux mycélia de polarités différentes, baptisées + et - à défaut d'en reconnaître un mâle et un femelle. On ne parle en effet habituellement pas de "sexes" chez les champignons. Beaucoup de champignons supérieurs sont tétrapolaires, c'est-à-dire qu'ils présentent quatre polarités différentes, compatibles deux à deux.

Chez la levure de bière Saccharomyces cerevisia, ascomycète unicellulaire, la reproduction est semblable, mais limitée à des cellules uniques

7 Modes de nutrition chez les champignons

Rappelons que tous les champignons sont hétérotrophes, mais la façon dont ils prélèvent leur nourriture permet de distinguer trois modes de nutrition.

7.1 Le saprophytisme

Un organisme saprophyte ( du grec "sapros" = "la pourriture" & "phyton" = "la plante" ) se nourrit de matière organique morte, le plus souvent en décomposition.

De nombreux champignons croissent ainsi dans la terre des prés, et quelques bons comestibles s'y rencontrent, tels le coprin chevelu Coprinus comatus, et le rosé des prés ou agaric champêtre Agaricus campestris, dont 1 espèce proche, Agaricus hortensis, est le champignon de couche cultivé dans les caves et galeries.

Coprin chevelu Coprinus comatus,Coprinaceae,Agaricales,Basidiomycètes (Forêt de Soignes, Watermael-Boitsfort, Province de Brabant, Belgique - 03/10/1981 - Diapositive originale réalisée par Eric Walravens).

Les moisissures se développant sur les aliments, ou les champignons formant les veines bleu-vert du Roquefort ou du Bleu-de-Bresse, Penicillium roqueforti, sont aussi des champignons saprophytes.

Rappelons que ce sont les bactéries et les champignons saprophytes qui débarrassent quotidiennement la surface de la terre des innombrables cadavres de plantes et d'animaux qui, sans cela, s'y accumuleraient. Grâce à eux, leurs constituants sont transformés en composés minéraux directement réutilisables par les plantes.

7.2 Le parasitisme

Les organismes parasites vivent aux dépens des organismes vivants, se nourrissant de leurs constituants organiques. Certains champignons causent ainsi aux plantes ou aux animaux - et à l'Homme! - des mycoses ou maladies cryptogamiques.

Pleurote bleu d'huître Pleurotus ostreatus, Pleurotacée sur un arbre fruitier abattu (Woluwe Saint-Pierre, Province de Brabant, Belgique - 24/11/1993 - Diapositive originale réalisée par Eric Walravens). La pleurote est un champignon parasite qui croît encore sur le bois de l'arbre qu'elle a tué.

Citons, à titre d'exemples, quelques champignons parasites:

Parasites de végétaux

• Oomycètes
  • Phytophthora Mildious de la pomme de terre et de la tomate
  • Plasmopara Mildiou de la vigne (prophyllaxie = sulfatage des vignes)
  • Albugo candida Blanc des brassicacées (chou,...)

• Basidiomycètes
  • Ustilago Charbon du froment, du maïs
  • Tilletia Carie du froment
  • Uredo, Puccinia Nombreuses formes de rouilles (de Berberis e.a.)

Parasites d'animaux

• Zygomycètes
  • Entomophtora Mort des mouches à l'automne

  

  Mouche morte, Muscidae, Diptère recouverte du champignon Entomophtora, Zygomycète responsable de la mort des mouches à l'automne (Hamois, Condroz, Province de Namur, Belgique - 15/09/1995 - Diapositive originale réalisée par Eric Walravens).

• Ascomycètes
  • Candida albicans Muguet : affection buccale des enfants, pertes blanches vaginales chez la femme
  • Aspergillus Aspergillose (cf. tuberculose) des manchots des zoos, des jeunes poussins en couveuse, des fermiers manipulant du foin moisi
  • Trichophyton, Teignes, pied d'athlète
  • Dermatophyton
  • Cordyceps Parasites d'insectes, d'araignées

7.3 La symbiose ou le mutualisme

7.3.1 Définition

Deux organismes sont symbiotiques, vivent en symbiose, s'ils établissent une union réciproquement bénéfique.

7.3.2 Termites et champignons

Les termites cultivent dans leur termitière des meules de mycélium qu'ils alimentent en fragments de bois ou en feuilles qu'ils ne peuvent digérer. Les champignons cultivés digèrent fort bien la cellulose, et les termites consomment la base de la meule devenue assimilable.

Les termitières sont typiques des paysages australiens, comme les graminées et les eucalyptus; certaines dépassent 3 m de haut (d'après http://viceroy.eeb.uconn.edu/albums/Album_2/source/16.html).

7.3.3 Les lichens

Les lichens sont des organismes fort répandus à toutes les latitudes, croissant sur les sols dénudés, le tronc des arbres, les murs et les toitures, les rails de sécurité des autoroutes, les fils électriques en cuivre... Ils présentent une exceptionnelle résistance à la dessiccation et subsistent seuls là où d'autres végétaux ne peuvent survivre: dans la fournaise du désert, au sommet des montagnes où la température peut descendre à -60°C, dans la toundra arctique et même dans les vallées sèches en plein cœur du continent antarctique. Le lichen jaune très courant chez nous Xanthoria parietina est capable de survivre après avoir été congelé à -200°C, et des lichens ont repris vie après avoir passé plus de 47 ans, séchés, dans un tiroir! Le secret de cette résistance réside dans le fait qu'ils sont composés de deux organismes associés en symbiose: une algue unicellulaire et un champignon. Le champignon produit un réseau de filaments mycéliens formant un abri contre la dessiccation. Ses hyphes y amènent l'eau nécessaire à l'algue, qui, pour sa part, fournit au champignon une partie du sucre photosynthétisé.

Un lichen est plus que la simple addition de deux organismes: il naît de cette union de nouvelles propriétés purement symbiotiques. Un des résultats les plus intéressants de cette symbiose est la synthèse de substances lichéniques que l'on ne rencontre nulle part ailleurs au monde. Grâce à elles, les lichens sont capables de résister aux rayons ultraviolets du soleil, aux métaux toxiques et même à l'uranium radioactif. Ces substances lichéniques sont facilement transformables en colorants extrêmement résistants à la lumière solaire. Citons le tournesol, colorant très utilisé en chimie, et le colorant rouge utilisé par les Lapons pour teindre leurs étoffes. Dans nos régions, les teintureries utilisaient, dès le Moyen Age, la "pâte d'orseille" rouge violacé, produite par macération de certains lichens dans l'urine, puis un peu plus tard dans l'ammoniaque.

7.3.4 Les mycorhizes

On connaît les amanites tue-mouches Amanita muscaria ne poussant généralement que sous les bouleaux, mais il existe de nombreux autres cas où des mycélia s'agglomèrent en manchons sur les racines des arbres, le tout portant le nom de mycorhizes. A ce niveau, des échanges bénéfiques bilatéraux ont lieu.

Le secret de la culture des orchidées n'a été résolu qu'après la découverte de l'indispensable symbiose entre un champignon et la graine d'une orchidée pour que celle-ci germe. La minuscule graine ne possède pas les réserves nutritives nécessaires pour développer ses premières feuilles. Le champignon lui fournit cette nourriture. Si certaines espèces d'orchidées n'ont besoin d'un champignon que pour germer, d'autres conservent cette indispensable symbiose toute leur vie.

Le limodore violet ou limodore à feuilles avortées Limodorum abortivum, Orchidaceae, Orchidale (Environs du col de Fontaube, Plaisians, Département de la Drôme, Région de Rhône-Alpes, France - 15/05/1997 - Diapositive originale réalisée par Eric Walravens). Chez les orchidées saprophytes, la symbiose mycorhizique demeure durant toute la vie de la plante

Phalaenopsis sp. (Plante cultivée à Hamois, Belgique - 25/03/1998 - Diapositive originale réalisée par Eric Walravens). A l'âge adulte, certaines orchidées, dont les épiphytes tropicales, n'ont plus besoin de champignon pour survivre.

7.3.5 "La plante de la joie"

"Venue d'une légende de l'Inde, la plante de la joie nous est arrivée. Si tu la traites avec amour, si tu lui parles, elle t'entendra et te donnera la tranquillité et de l'argent. Elle est facile à surveiller. Chaque jour entre midi et minuit, tu lui prépareras un verre de thé pur avec deux petites cuillères de sucre. La première nuit sera un dimanche: tu la baptiseras avec un de ces noms : "Broolante", " Bandeles", "Labia", "Gendora", "Camelia", "Barokola", "Parmeles" ou "Zalano". Elle ne peut néanmoins porter le même nom que sa mère. Elle ne doit être exposée ni au vent, ni au soleil. Chaque dimanche, elle te donnera une fille. Tu la donnes à qui la veut et en a besoin. A la fin de la troisième semaine, tu arrêtes de la nourrir. Tu la sors du récipient et la fait sécher sur un linge propre. Lorsqu'elle est sèche, tu la plies et la conserves comme talisman. Attention: la nuit de l'accouchement, il faut retirer un peu de liquide de la mère dans un récipient afin d'y déposer sa fille. Tu nourriras la mère après l'accouchement. Tu nourriras la fille à partir du lundi entre 12 et 24 h. Ne la laisse pas dans le noir tout le temps ni dans un endroit trop chaud ou trop froid. Si elle sent le vinaigre, c'est normal!..."

Ce curieux organisme, parfois vénéré comme nous venons de le voir, et baptisée "plante de la joie", est en réalité une symbiose entre une levure (donc un champignon unicellulaire) et une bactérie. La levure Schizosaccharomyces pombe (= cellules en bâtonnets) utilise le glucose (un sucre) qu'elle transforme en éthanol (un alcool). La bactérie Bacterium (= Acetobacter) xylinum (= cellules en grain) utilise l'éthanol qu'elle transforme en acide acétique (vinaigre), et sécrète aussi de la cellulose qui forme un voile externe.