Le cycle de vie des ptéridophytes
1 Aspect, diversité et mode de vie des ptéridophytes
Les ptéridophytes sont les seuls cryptogames vasculaires: cryptogames (du grec "cryptos" = "caché" et "gamos" = "le mariage") car leurs organes sexuels sont cachés -il n'y a pas de fleurs chez les ptéridophytes-, et vasculaires (du latin "vascellum" = "le vaisseau") car ils sont pourvus de tissus conducteurs. Ces vaisseaux conducteurs de sève permettent aux ptéridophytes d'atteindre des tailles bien supérieures aux autres cryptogames: il existe, par exemple, des fougères arborescentes tropicales de plus de 10 m de haut, et au cours de la période carbonifère (il y a entre 345 et 280 millions d'années) il existait des prêles géantes et des lycopodes de la taille des arbres actuels!
Actuellement, les ptéridophytes sont représentés par les fougères, les prêles, les lycopodes, les sélaginelles et les psilotales.
Les ptéridophytes préfèrent de façon générale des milieux à forte humidité atmosphérique; il en existe même quelques espèces aquatiques. Mais certaines espèces, dont le cétérach indigène Ceterach officinarum, résistent étonnamment bien à la sécheresse et à l'exposition à la lumière directe du soleil: elles se recroquevillent au plus chaud et sec de l'été, mais sont douées d'une reviviscence surprenante lorsque l'eau revient.
Langue de cerf Asplenium scolopendrium, Aspleniaceae, Filicales, Ptéridophytes (Auderghem, Province de Brabant, Belgique - Diapositive originale réalisée par Eric Walravens). Remarquez les jeunes frondes qui, en croissance, prennent la forme de crosses: la croissance s'effectue par l'extrémité enroulée, qui est dès lors protégée plus longtemps.
Minuscule fougère aquatique flottante Azolla filiculoides, Azollaceae, Ptéridophyte (Jardin à Hamois, Belgique - 01/09/2001 - Diapositive originale réalisée par Eric Walravens). L'image représente en réalité 1,6 x 1 cm.
Cétérach Ceterach officinarum, Aspleniaceae, Filicales, Ptéridophytes (Belgique - Diapositive originale réalisée par Eric Walravens). Il s'agit d'une espèce de fougère extrêmement résistante à la dessiccation, capable de reviviscence.
2 Cycle de vie des ptéridophytes
2.1 Les fougères
Les feuilles de fougères ou ptérophytes, que l'on nomme frondes et qui croissent par leur extrémité se déroulant progressivement, représentent le sporophyte diploïde car elles portent, à leur face inférieure, les sporanges, c'est-à-dire les organes producteurs de spores. Les sporanges sont regroupés par quelques dizaines et chaque groupe est protégé par une indusie, sorte d'écaille plus ou moins caduque qui les recouvrent. On appelle sore (à ne pas confondre avec les spores!) l'ensemble formé par un groupe de sporanges et l'indusie qui les protège. On distingue aisément à l'il nu les sores disposés sur le bord ou la face inférieure des frondes, des pennes ou des pinnules. Les sporanges sont, chez certaines espèces de fougères, portés par des frondes spéciales fertiles, les autres, stériles, assurant la fonction de photosynthèse.
Face inférieure d'une fronde de fougère femelle Athyrium filix-femina, Woodsiaceae, Filicales, Ptéridophytes (Plante cultivée à Hamois, Belgique - 07/07/1998 - Diapositive originale réalisée par Eric Walravens). Remarquez les sores brun orangé recouvertes par les indusies grises. |
Face inférieure d'une fronde de fougère mâle Dryopteris filix-mas, Dryopteridaceae, Filicales, Ptéridophytes (Plante cultivée à Hamois, Belgique - 07/07/1998 - Diapositive originale réalisée par Eric Walravens). La forme des indusies varie d'un genre à l'autre de fougère. |
Osmonde royale Osmonda regalis, Osmondaceae, Osmondales, Ptéridophytes (Plantée à La Hulpe, Belgique - Diapositive originale réalisée par Eric Walravens). Remarquez le sporophyte en croissance à l'extrémité d'une fronde. |
Sporanges matures d'Osmonde royale Osmonda regalis, Osmondaceae, Osmondales, Ptéridophytes (Plantée à La Hulpe, Belgique - Diapositive originale réalisée par Eric Walravens). |
Matteucie Matteucia struthiopteris, Woodsiaceae, Filicales, Ptéridophytes (Plantée à La Hulpe, Belgique - Diapositive originale réalisée par Eric Walravens). Remarquez les jeunes et vieux sporophytes au milieu des frondes stériles. |
Botryche lunaire Botrychium lunaria, Ophioglossaceae, Ophioglossales, Ptéridophytes (Plateau des Ramées, Vercors, France - 07/07/1990 - Diapositive originale réalisée par Eric Walravens). Chez cette espèce, les sporanges sont portés par des frondes spéciales, distinctes des frondes stériles qui assurent la photosynthèse. |
Chaque sporange comporte, au bout d'un fin pédicelle qui le rattache à la fronde, une poche dans laquelle la méiose donne naissance aux spores haploïdes. Une rangée de cellules spéciales, partant du pédicelle et contournant presque complètement le sporange, forme un anneau mécanique. Fait d'une file de cellules à paroi d'épaisseur inégale, l'anneau mécanique se redresse par temps sec, suite à des tensions asymétriques, et libère alors les spores en déchirant la paroi du sporange.
Une fois tombées sur le sol en été, les spores germent au printemps suivant si elles trouvent les conditions adéquates de pénombre et d'humidité. Chaque spore forme par division un minuscule thalle plat, cordiforme et fixé au sol par des (poils) rhizoïdes, comme chez les hépatiques à thalle. A la face inférieure de ce prothalle, représentant le gamétophyte haploïde, se forment les anthéridies et les archégones.
Prothalles cordiformes de fougères, Ptéridophytes, parmi des hépatiques à thalle et des mousses (Forêt de Soignes, Province de Brabant, Belgique - Diapositive originale réalisée par Eric Walravens).
Chaque anthéridie est une petite boîte sphérique formée de trois cellules: deux cellules annulaires en forme d'anneaux superposés et une cellule operculaire servant de couvercle. Il s'y forme des anthérozoïdes en forme de tire-bouchon et munis à une extrémité de plusieurs flagelles.
Les archégones ont la forme d'une bouteille renfermant une o(v)osphère unique. Les cellules du col de l'archégone se désagrègent et laissent le passage aux anthérozoïdes qui, en nageant dans l'eau de pluie indispensable à la fécondation, tentent de rejoindre l'o(v)osphère. La fusion des deux noyaux mâle et femelle transforme l'o(v)osphère en zygote diploïde.
Sans quitter l'archégone et en se divisant, le zygote donne naissance au jeune sporophyte diploïde, premier stade de croissance de la future fougère, pourvue de frondes et de racines, et éventuellement d'un rhizome qui lui permet de s'étendre en surface.
On constate donc que chez les fougères, comme chez les autres ptéridophytes, la phase sporophytique diploïde est plus durable que la phase gamétophytique haploïde, contrairement à ce que l'on observe chez les algues ou les bryophytes. Dans l'ordre évolutif, c'est à partir des ptéridophytes que la plante feuillée n'est plus un gamétophyte, mais un sporophyte.
Cycle de vie d'une fougère. Les structures haploïdes sont dessinées en rouge.
2.2 Les prêles
Les prêles ou sphénophytes poussent dans divers terrains humides et sont appelées communément "queues de rat". Très riches en silice (SiO2), elles furent entre autres jadis utilisées comme papier verré. Le sporophyte diploïde est le stade durable et bien visible: sur des rhizomes ramifiés et pourvus de racines croissent d'une part des tiges stériles vertes et photosynthétiques, formées d'articles cylindriques successifs placés bout à bout, associés à de minuscules feuilles non fonctionnelles (les écailles foliaires), et séparés par des verticilles de fins rameaux verts, d'autre part des tiges fertiles comportant un axe brunâtre dépourvu de rameaux verticillés, mais porteur au sommet d'un épi sporangifère ou strobile, en forme de massue. Ce strobile est fait de nombreuses sporophylles hexagonales emboîtées comme les pièces d'une mosaïque. Chaque sporophylle est faite d'un sporangiophore portant sur sa face interne une dizaine de sporanges grisâtres, au sein desquels la méiose donne naissance aux spores haploïdes.
Sporophyte (à gauche) et jeune tige stérile (à droite) de prêle des champs Equisetum arvense, Equisetaceae, Equisetale, Sphénopside, Ptéridophyte (Jette, Province de Brabant, Belgique - 1981 - Diapositive originale réalisée par Eric Walravens).
Strobile de grande prêle Equisetum telmateia, Equisetaceae, Equisetale, Sphénopside, Ptéridophyte (Watermael-Boitsfort, Province de Brabant, Belgique - 10/04/1981 - Diapositive originale réalisée par Eric Walravens). |
Sporophyte de prêle des bois Equisetum sylvaticum, Equisetaceae, Equisetale, Sphénopside, Ptéridophyte (Tervuren, Province de Brabant, Belgique - Diapositive originale réalisée par Eric Walravens). |
De forme curieuse, chaque spore sphérique porte, fixés en un point de son enveloppe, quatre longs filaments élastiques, les élatères. Les élatères se courbent ou se dressent rapidement selon l'humidité ambiante et assurent ainsi la dispersion des spores.
Apparemment semblables, les spores donnent naissance à deux types de gamétophytes haploïdes différents: les plus petits prothalles sont mâles car ils portent des anthéridies productrices d'anthérozoïdes, les plus grands prothalles sont femelles et abritent les archégones hébergeant chacun une unique o(v)osphère. Plus encore que chez les fougères, l'eau est nécessaire pour que les gamètes mâles flagellés nagent jusqu'aux o(v)osphères afin de les féconder. De cette fécondation naît le zygote diploïde qui, par divisions successives, donnera un nouveau jeune sporophyte.
Cycle de vie d'une prêle du genre Equisetum. Les structures haploïdes sont dessinées en rouge.
2.3 Les lycopodes
Les lycopodes, qui forment avec les sélaginelles les lycophytes sont des plantes d'assez petite taille croissant dans les régions froides, septentrionales ou montagneuses, sur le sol ou parmi les rochers, dans des milieux humides.
Lycopode sélagine Huperzia selago, Lycopodiaceae, Lycopodiales, Lycopsides, Ptéridophytes (Ferpècle, Val d'Hérens, Valais, Suisse - 07/05/1996 - Diapositive originale réalisée par Eric Walravens). |
Lycopode en massue Lycopodium clavatum, Lycopodiaceae, Lycopodiales, Lycopsides, Ptéridophytes (Nassogne, Ardenne, Province de Luxembourg, Belgique - 05/06/1986 - Diapositive originale réalisée par Eric Walravens). Remarquez les jeunes strobiles vert clair. |
Le sporophyte diploïde est d'un rhizome rampant pourvu de racines et donnant des rameaux dressés et ramifiés symétriquement comme des chandeliers. Les tiges sont couvertes de feuilles ressemblant à de petites écailles vertes, et portent au sommet des strobiles comme chez les prêles. Ces strobiles sont faits de sporophylles, sortes de feuilles plus claires portant chacune des sporanges à leur face supérieure. Les spores haploïdes qui y sont formées par méiose tombent au sol et, parfois après plusieurs années, germent pour donner chacune un petit prothalle souterrain, associé à un champignon endophyte et portant à la fois anthéridies et archégones. Au sein de ce gamétophyte haploïde, la fécondation d'une o(v)osphère par un anthérozoïde produira un zygote diploïde, première étape de croissance d'un nouveau lycopode feuillé. Cependant, le zygote reste longtemps dépendant du prothalle et se nourrit par son intermédiaire.
Lycopode en massue Lycopodium clavatum, Lycopodiaceae, Lycopodiales, Lycopsides, Ptéridophytes (Nassogne, Ardenne, Province de Luxembourg, Belgique - 05/06/1986 - Diapositive originale réalisée par Eric Walravens). Remarquez les strobiles matures brun clair.
Cycle de vie d'un lycopode du genre Lycopodium. Les structures haploïdes sont dessinées en rouge.
2.4 Les sélaginelles
Les sélaginelles sont de petites plantes rampantes poussant sur le sol humide ou sur le tronc des arbres des forêts tropicales. Leur grand intérêt réside dans leur mode de reproduction sexuée, dont la bonne compréhension permet de relier de façon comparative les cycles de vie des plantes primitives (abordées jusqu'ici) et des plantes plus évoluées. En effet, dans l'ordre évolutif, c'est à partir des sélaginelles que les spores, donnant des gamétophytes mâles ou femelles séparés comme chez les prêles, ne tombent plus à terre, mais germent dans le sporange attaché à la sporophylle. Les gamétophytes tombent seulement à terre ensuite. Il s'agit d'une étape intermédiaire importante vers les spermatophytes chez lesquels les gamétophytes encore plus réduits ne quittent plus le sporophyte (du moins dans le sexe femelle).
Sélaginelle Selaginella sp., Selaginellaceae, Selaginellales, Lycopsides, Ptéridophytes (Plante cultivée, Belgique - 27/03/1982 - Diapositive originale réalisée par Eric Walravens).
Le sporophyte diploïde des sélaginelles comprend une tige mince portant des racines (rhizophores), de petites feuilles en pointe très régulièrement disposées et, à l'extrémité des rameaux, des sporophylles, semblables aux autres feuilles mais formant à leur surface supérieure des sporanges. Ces sporanges sont de deux sortes: les microsporanges forment par méiose de nombreuses et petites microspores haploïdes qui, en germant donneront en place chacun un minuscule prothalle mâle réduit à une cellule et une anthéridie; les mégasporanges forment par méiose seulement 4 mégaspores qui, en germant formeront en place chacune un petit prothalle femelle portant quelques archégones.
Sélaginelle Selaginella sp., Selaginellaceae, Selaginellales, Lycopsides, Ptéridophytes (Plante cultivée, Belgique - 18/08/1986 - Diapositive originale réalisée par Eric Walravens). Remarquez les sporanges formant de petites sphères claires. L'image correspond à 2 cm en hauteur dans la réalité. |
Microsporanges et mégasporanges de sélaginelle Selaginella sp., Selaginellaceae, Selaginellales, Lycopsides, Ptéridophytes (Plante cultivée, Belgique - 23/06/1986 - Diapositive originale réalisée par Eric Walravens). L'image correspond à 1 cm en hauteur dans la réalité. |
Les sporanges ne s'ouvrent que lorsque les prothalles sont formés, et ceux-ci tombent à terre. Le développement de ces prothalles, gamétophytes haploïdes, a lieu comme chez les autres ptéridophytes.
Cycle de vie d'une sélaginelle du genre Selaginella. Les structures haploïdes sont dessinées en rouge.
2.5 Les psilotales
Psilotum nudum de Hawaii (photographie G.D.Carr, d'après http://www.botany.hawaii.edu/faculty/carr/images/psi_nud_mid.jpg).
Cycle de vie de Psilotum. Les structures haploïdes sont dessinées en rouge.