L'origine de la vie
1 Concept de la génération spontanée
On a cru pendant des siècles que la matière non vivante donnait naissance à des organismes vivants selon un processus nommé génération spontanée. Le philosophe grec ARISTOTE croyait, par exemple, que les grenouilles et les insectes naissaient du sol humide ; en outre, les gens étaient convaincus que des vers et des algues apparaissaient spontanément dans les abreuvoirs d'eau stagnante et que la viande gâtée produisait des asticots .
En 1668, REDI porta le premier coup à cette théorie : il plaça des anguilles et des serpents morts dans des bocaux de verre, certains couverts d'une fine mousseline, d'autres ouverts à l'air libre. Des mouches ne tardèrent pas à venir pondre sur les cadavres dans les pots ouverts. A leur éclosion, les oeufs donnèrent des asticots. Par contre, aucun asticot n'apparut sur les cadavres dans les bocaux recouverts.
C'est à cette époque que VAN LEEUWENHOEK découvrit, à l'aide du premier microscope, qu'il avait fabriqué, que de minuscules organismes, invisibles à l'oeil nu, s'agitaient dans l'eau croupissante des fossés, dans le sol et bien d'autres milieux. Il suggéra que ces organismes provenaient eux aussi de la reproduction d'autres organismes semblables.
Au 18ème siècle, SPALLANZANI entreprit de démontrer que ces micro-organismes (en réalité des bactéries et des champignons) n'apparaissaient pas spontanément dans les bouillons de culture où on les trouvait parfois en abondance. Il chauffa et scella des flacons remplis de bouillon de culture, et n'observa aucune croissance dans la plupart de ceux-ci. Puis, après avoir brisé le sceau de certains flacons et permis à l'air de pénétrer, de multiples micro-organismes s'y développèrent rapidement. Dans certains flacons restés scellés, on observait néanmoins de nouvelles pullulations microbiennes, ce qui laissa des gens perplexes. On sait maintenant que certaines bactéries produisent des spores dormantes capables de résister à la chaleur et de se développer par la suite.
Le coup de grâce fut donné à la théorie de la génération spontanée par TYNDALL et PASTEUR : ils démontrèrent que des bactéries se trouvent en suspension dans l'air et qu'en filtrant cet air, en le stérilisant à la flamme ou en laissant déposer lentement les bactéries sur les parois d'un fin siphon, on pouvait aérer un bouillon de culture préalablement stérilisé sans qu'aucune bactérie ne vînt s'y développer.
Vers 1870, tout le monde admettait que les organismes vivants, de quelque taille qu'ils soient, provenaient de la reproduction d'organismes semblables préexistants. La question se posait donc : d'où venaient les premiers êtres vivants ?
2 L'atmosphère primitive
Les scientifiques actuels croient que la vie est effectivement née de la matière inanimée, mais dans des conditions très différentes de celles qui prévalent aujourd'hui, et qu'il a fallu des centaines de millions d'années pour que ce phénomène se produise.
La terre s'est probablement formée il y a 4,6 milliards d'années, par accrétion puis solidification de matières provenant de l'espace. Après 300 millions d'années durant lesquelles des météorites ajoutaient de la matière à la planète en formation, les conditions se stabilisèrent.
L'atmosphère primitive était différente de celle d'aujourd'hui. On pense que l'atmosphère primitive est apparue après la formation de la terre , au fur et à mesure que les gaz internes s'échappaient, en particulier grâce au volcanisme. L'atmosphère primitive devait contenir de l'hydrogène, de la vapeur d'eau, de l'ammoniac et du méthane.
Comme il n'y avait pas d'oxygène libre, l'atmosphère était réductrice, contrairement à l'atmosphère actuelle. Il est certain que la vie est apparue dans une atmosphère sans oxygène : celui-ci est un puissant oxydant qui aurait vite dégradé les molécules organiques dont la très lente organisation a créé le premier être vivant. C'est une des raisons pour lesquelles la génération spontanée à partir de matière organique ne se produit plus de nos jours ; une autre raison est que les molécules organiques libres sont immédiatement absorbées et utilisées comme nourriture par les bactéries et les champignons, avant même que l'oxygène ne puisse les attaquer.
3 Evolution chimique de l'atmosphère
On se base sur la nature des gaz s'échappant des volcans et sur la composition de l'atmosphère actuelle d'autres planètes du système solaire (les atmosphères de Saturne et Jupiter sont principalement composées d'hydrogène moléculaire, de vapeur d'eau et d'ammoniac) pour imaginer la composition atmosphérique initiale de la terre ; mais celle-ci a évolué.
L'hydrogène étant très léger, il échappait nécessairement à l'attraction terrestre et se dissipait dans l'espace. La vive lumière du soleil aurait décomposé l'ammoniac en hydrogène gazeux (qui s'est échappé) et en azote gazeux. De même, le méthane a progressivement été remplacé par du dioxyde de carbone. L'atmosphère présente au moment de l'apparition de la vie était donc encore légèrement réductrice. Au fur et à mesure que la terre se refroidissait, la vapeur d'eau se condensait pour former les océans.
4 Origine des premiers monomères organiques
4.1 Reconstitution en laboratoire
En 1924, OPARIN émit une hypothèse selon laquelle les molécules organiques auraient pu se former à partir des gaz de l'atmosphère primitive grâce à l'énergie des éclairs et des rayons solaires ultraviolets.
En 1953, MILLER confirma l'idée D'OPARIN grâce à un dispositif ingénieux Il reconstitua en laboratoire les conditions qui régnaient primitivement sur la terre : un océan d'eau chaude, une atmosphère composée d'hydrogène gazeux, d'ammoniac et de méthane (on pensait en 1953 que cette atmosphère très réductrice s'était maintenue plus longtemps) et des décharges électriques, produites par des électrodes dans la chambre atmosphérique, représentant les éclairs qui ont peut-être fourni l'énergie nécessaire aux réactions chimiques sur la terre primitive. Après une semaine, l'océan artificiel comportait beaucoup de composés organiques, dont des acides aminés !
4.2 Preuves extraterrestres
Outre les expérimentations en laboratoire, l'astronomie apporte des preuves de la formation de monomères organiques en dehors des organismes vivants : les météorites, qui sont des fragments de matière tombant de l'espace, contiennent une grande variété de composés organiques, dont des acides aminés, des alcools, des sucres et les bases azotées des acides nucléiques (ARN, ADN).
On a également découvert de petites quantités d'une douzaine d'acides aminés dans le matériel prélevé sur la lune !
4.3 Création spontanée actuelle de produits organiques
De nos jours encore, des composés organiques se forment sur la terre de façon abiotique, c'est-à-dire ni à l'intérieur des cellules des êtres vivants, ni sous leur influence : la lave et les gaz chauds crachés par les volcans forment très lentement des composés hydrocarbonés lorsqu'ils réagissent avec l'eau.
5 Formation des polymères
L'étape suivante de l'évolution chimique fut la polymérisation de certains de ces monomères organiques en plus grosses molécules. Ces réactions de condensation (ainsi appelées parce qu'elles libèrent de l'eau) demandent une grande quantité d'énergie. En outre, il ne faut pas qu'il y ait beaucoup d'eau, car l'eau est un réactif de la réaction inverse, à savoir l'hydrolyse des polymères en leurs monomères constituants, réaction beaucoup plus rapide que la condensation. Pour être stable, un mélange de petits polymères doit contenir le moins d'eau possible. Les petits polypeptides sont assez instables et ont tendance à s'hydrolyser en acides aminés quand ils sont en solution. Les chaînes plus longues demeurent cependant intactes, car elles sont stabilisées par des interactions entre différentes parties de la molécule (telles que les ponts hydrogènes ou disulfures pour les structures secondaire et tertiaire des protéines).
FOX découvrit qu'en chauffant un mélange anhydre d'acides aminés, il obtenait des molécules ressemblant fort aux protéines et regroupant environ 100 acides aminés : il les appela protéinoïdes. A la température de 60°C, l'eau formée par la réaction de condensation s'évapore rapidement, évitant l'hydrolyse des protéinoïdes. Ce processus aurait pu se produire dans les petites mares côtières lorsque l'eau de mer s'évaporait par les chaudes journées ensoleillées.
D'autres chercheurs ont découvert que l'argile, en adsorbant les monomères (et de ce fait en les concentrant localement), catalysait la polymérisation : en séchant l'argile puis en la chauffant, les protéinoïdes se forment par condensation des acides aminés adsorbés.
Certains protéinoïdes ont des propriétés semblables aux enzymes : catalyse de réactions chimiques, dénaturation par la chaleur, inhibition par les mêmes substances qui inhibent les enzymes. Les enzymes ont donc pu apparaître avant les premiers êtres vivants.
6 Probabilité de génération du premier être vivant
Une fois formés, les composés organiques ont dû s'assembler pour former des structures de plus en plus grosses et complexes. La probabilité pour que cela se produise semble infime. Mais avec suffisamment de temps, des événements très improbables finissent par se produire : par exemple, si la probabilité pour qu'un fait se produise une fois par an est de 1/1000, ou 0,001, la probabilité pour que ce fait ne se passe pas est de 1 - 0,001 = 0,999. La probabilité pour qu'il ne se produise pas en 10000 ans est de (0,999)10000= 0,00005. En d'autres termes, la probabilité pour que ce fait se produise en 10000 ans est de 0,99995. Des traces de vie existent dans des roches vieilles de 3,5 milliards d'années. En 1,1 milliard d'années, la vie, chose fort improbable, a eu tout le temps pour apparaître presqu'inévitablement.
Appareil de MILLER pour simuler les conditions prébiotiques. L'"atmosphère" est un mélange d'hydrogène gazeux H2, de méthane CH4 et d'ammoniac NH3, dans une chambre de verre de la taille d'un ballon de football. Des étincelles produites par des électrodes représentent des éclairs, une source d'énergie. L'"océan" est amené à ébullition pour produire de la vapeur d'eau, qui peut fournir l'oxygène pour les réactions et qui peut aussi amener les molécules organiques dans la "mer" sous forme de "pluie".