La Peste
1. Introduction
Due à une bactérie, le bacille de Yersin
Yersinia pestis, la peste est une maladie affectant, le plus
souvent sous forme épizootique
(=épidémique pour les animaux), de très
nombreuses espèces de rongeurs, les rats en particulier. Sa
transmission se fait d'animal infecté à animal sain par
piqûres de puces. Elle peut être transmise à
l'homme par piqûres de puces infectées.
Le déclin relatif de la peste dans le monde, à
partir de 1950, ne signifie nullement sa disparition: il marque
seulement la fin de la pandémie (=grande dispersion de
la maladie) moderne durant laquelle la navigation à vapeur a
disséminé, avec les rats infectés, la maladie
dans tous les ports du monde. Depuis la Seconde Guerre mondiale, la
dératisation généralisée lors de la
construction des navires et dans les installations portuaires en a
peu à peu éliminé le rat noir Rattus
rattus, principal vecteur de la peste. La disparition du rat noir
de nombreuses régions par installation du rat brun ou surmulot
Rattus norvegicus a également été
favorable à la régression de la maladie. Mais les
immenses zones où la maladie continue de régner parmi
les rongeurs constituent une menace permanente.
2. Les manifestations de la peste chez
l'Homme
Il faut opposer la peste bubonique, survenant après
piqûre d'un parasite parasite infecté, à la
peste pulmonaire, succédant à une contamination
entre personnes par voie respiratoire.
- La peste bubonique, après une incubation de un à
dix jours, provoque d'emblée des symptômes
extrêmement graves, avec apparition rapide du bubon
caractéristique, c'est-à-dire d'une
adénite (=inflammation des ganglions lymphatiques)
dure et douloureuse, localisée là où a
pénétré la bactérie, le plus souvent
à l'aine ou à l'aisselle. En l'absence de
traitement, l'évolution aboutit à la
septicémie (=infection
généralisée) mortelle le plus souvent entre
le cinquième et le huitième jour de la maladie.
- Dans la cas de la peste pulmonaire, la transmission entre
personnes par voie respiratoire dépend de facteurs
climatiques: humidité atmosphérique et
température inférieure à 15°C. Là
où manquent ces facteurs, cette forme est pratiquement
inconnue. Elle se répand au contraire en saison froide par
contagion directe à partir d'un cas de peste bubonique
compliqué de peste pulmonaire secondaire. L'incubation est
brève: de quelques heures à deux jours. Le
symptôme en est une expectoration, fluide et striée
de sang, extraordinairement riche en bacilles (=bactéries).
L'évolution, en l'absence de traitement, est
systématiquement fatale en deux ou trois jours au
plus.
3. Les trois grandes épidémies
historiques de peste
La peste est connue depuis des temps immémoriaux sur le
plateau central de l'Asie, qui serait le berceau de l'infection.
Certains ont voulu situer ce dernier en Afrique; en fait, si le foyer
centre-africain est, lui aussi, très ancien, il n'en reste pas
moins secondaire et d'origine asiatique.
Trois grandes épidémies de peste sont connues au
cours des temps historiques:
- La peste de Justinien (VIè siècle. après.
J.-C.), où domina la forme bubonique, frappa l'ensemble du
bassin méditerranéen, c'est-à-dire la
totalité du monde connu à l'époque. Elle peut
donc être considérée comme la première
pandémie pesteuse.
- La grande peste du Moyen Âge, la peste noire, en
constitua la deuxième; venue de l'Inde, elle atteignit la
Méditerranée et, de là, toute l'Europe
où, revêtant la forme pulmonaire, elle ne fit pas
moins de 25 millions de victimes (du quart à la
moitié de la population) entre 1346 et 1353.
L'endémie se prolongea durant trois siècles,
jalonnée par les épisodes tristement
célèbres de la peste de Venise (1575-1577), de Lyon
(1628), de Nimègue (1635), de Londres (1665) et de
Marseille (1720).
- La troisième pandémie débuta avec le
réveil du vieux foyer du Yunnan et gagna Hong Kong en 1894.
C'est là que YERSIN découvrit, chez le rat comme
chez l'Homme, le germe responsable dont, quatre ans plus tard,
SIMOND démontra la transmission par la puce. Rats et puces
infectés, dont il n'avait nulle part été fait
mention durant les deux premières pandémies,
allaient trouver dans la navigation à vapeur un
exceptionnel moyen de propagation. Partie de Bombay en 1896, la
peste atteint Suez l'année suivante, Madagascar en 1898,
Alexandrie, le Japon, l'Est africain et le Portugal en 1899; elle
est à Manille, à Sydney, à Glasgow et
à San Francisco en 1900, à Honolulu en 1908,
à Java en 1911, à Ceylan en 1914, à Marseille
en 1920. Parallèlement à cet envahissement par voie
de mer, d'autres foyers anciens se sont réveillés,
tel celui de Mandchourie qui, en 1910, ne fait pas moins de 50000
morts de peste pulmonaire, en trois mois d'épidémie.
Cette troisième pandémie, cause de plus de 12
millions de morts dans l'Inde de 1898 à 1948,
n'entraîna guère qu'un millier de cas en Europe, dont
la majeure partie au Portugal et une centaine à Paris de
1918 à 1920. L'absence de manifestations pulmonaires et
l'instauration d'une prophylaxie (=lutte préventive)
limitèrent l'épidémie.