Histoire des théories de l'évolution
1 Le fixisme
Le monde se compose d'espèces distinctes, sortes d'entités discontinues si on les considère à un moment bien précis . Pour d'anciens philosophes, dont ARISTOTE (IVè siècle AC), les espèces étaient éternelles et immuables. Au Moyen Age, la scolastique christianisa la philosophie d'ARISTOTE et adopta le fixisme: les êtres vivants auraient été créés séparément, "chacun selon son espèce", explication en accord avec la Genèse biblique.
Afin d'expliquer la présence des animaux et plantes fossiles, CUVIER (1769-1832) imaginait des cataclysmes ayant provoqué la disparition des organismes fossiles, antédiluviens, c'est-à-dire ayant vécu avant le déluge, dernier cataclysme en date.
2 L'évolutionnisme
2.1 Les premiers pas
L'idée de l'évolution des êtres vivants, de leur transformation et de leur divergence à partir d'une souche commune, remonte à l'Antiquité grecque ; mais elle restait spéculative en raison d'un manque de preuves. Un des arguments était la présence d'organes inutiles, par exemple les mamelles des mammifères mâles.
Durant la Renaissance, les idées évolutionnistes grecques étaient connues et défendues : le père VANINI (1586-1619) pensait que l'univers n'est pas le produit d'un esprit, mais une combinaison fortuite d'atomes. Les changements provoqués par la culture chez les plantes lui suggérèrent le passage d'une espèce à l'autre. La grande affinité entre l'Homme et les singes lui donna l'idée d'une origine commune. L'Inquisition ne lui pardonna pas ses audaces : coupable d'athéisme, il fut brûlé vif à Toulouse!
Au XVIIIè siècle, l'idée de la dérivation des espèces les unes des autres était familière. Le premier grand évolutionniste fut BUFFON (1707-1788) : sur base de la constatation du dépôt chronologique des sédiments et de la reconstitution des espèces fossiles, il conçut une succession de flores et de faunes antérieures aux nôtres. Il propose une origine commune aux animaux des faunes américaine et eurasienne: séparés par un océan, ceux-ci "auraient évolué en subissant tous les effets de climats différents". Il semble que BUFFON aurait pu formuler une théorie de l'évolution, mais, condamné par la faculté de théologie de la Sorbonne, il se rétracta et n'osa exposer totalement sa pensée.
2.2 Le Lamarckisme
LAMARCK (1744-1829) suggéra que les organismes pouvaient, au cours de leur existence, acquérir des traits les rendant mieux adaptés à leur environnement, et qu'ils pouvaient transmettre ces traits à leur progéniture. L'exemple le plus fameux qu'il utilisait est le long cou de la girafe. LAMARCK prétendait que les girafes avaient développé un long cou à force de l'étirer pour atteindre les feuilles situées au-dessus de leur tête, et que l'étirement de leur cou s'était transmis à leurs descendants.
2.3 Le darwinisme
Ayant travaillé et réfléchi indépendamment, DARWIN (1809-1882) et WALLACE (1823-1913) proposèrent ensemble, en 1858, la sélection naturelle comme mécanisme permettant l'évolution. DARWIN prétendait qu' "une sorte de frein empêche constamment la multiplication trop rapide de tout être organisé laissé à l'état naturel. En moyenne, la nourriture disponible reste constante ; pourtant tout animal a tendance à se multiplier selon une progression géométrique". Cette force, qu'il nomma "sélection naturelle", freine continuellement les explosions démographiques potentielles des organismes. DARWIN rendit célèbre l'expression de MALTHUS : "la lutte pour l'existence", qu'ils considéraient tous deux comme le résultat inévitable du déséquilibre entre la rapide croissance exponentielle d'une population et une quantité limitée de nourriture disponible.
Ainsi, favorisés par la sélection naturelle, les organismes les mieux adaptés à leur environnement produiraient davantage de descendants, et la lignée issue de ces êtres "mieux adaptés" s'imposerait statistiquement avec le temps au sein de la population.
De nombreuses observations montrent que la pression de sélection fait évoluer les populations, y compris la population humaine. Au Nigeria par exemple, le pourcentage de gens résistant à la malaria (= paludisme) est plus élevé que jadis. Il convient bien sûr de ne considérer que les évolutions purement génétiques, car l'environnement agit aussi sur le phénotype des individus. Entre les gens de la Corée du Nord et de la Corée du Sud, pays dont la séparation brutale et totale s'est effectuée en 1950, on constate en 2014 une différence des tailles moyennes de 20 cm chez les jeunes adultes, qui ont grandi dans des environnements alimentaires très différents.
A l'époque de C. DARWIN, la croyance que les caractères des parents se mélangeaient chez leur progéniture constituait une objection à la théorie de la sélection naturelle: si tel était le cas, la variabilité héréditaire d'une population diminuerait à chaque génération, jusqu'à ce que tous les individus de la population soient semblables, et la sélection naturelle aurait très peu de matière sur laquelle s'exercer. Ce ne fut qu'à la lecture des travaux de MENDEL, révélant que les gènes sont hérités indépendamment les uns des autres et ne se mélangent pas chez la progéniture - lecture dont n'a malheureusement pas profité C. DARWIN- , que cette objection fut levée.
2.4 La théorie synthétique de l'évolution
La théorie synthétique de l'évolution, développée dans les années 1970, reprend la théorie darwinienne, en précisant que la variabilité intrapopulationnelle, donc intraspécifique, est continuellement générée indépendamment de l'action de la sélection naturelle -en dehors des populations clonales parthénogénétiques ou apomictiques- par divers mécanismes que la génétique et la cytologie expliquent aujourd'hui: