Le langage du cinéma et les langues au cinéma

Les linguistes s'accordent à dire que, dans l'apprentissage d'une langue, rien n'est plus difficile que de comprendre le dialogue d'un film étranger. Curieux constat, alors que le support visuel devrait théoriquement aider à la compréhension du message auditif. Mais c'est précisément parce que deux de nos sens sont sollicités simultanément qu'une plus grande concentration, sinon une plus grande virtuosité est exigée de la part du spectateur. Le découragement s'installe donc chez l'élève ou l'adulte qui, ayant consacré quatre, cinq années, voire davantage à l'apprentissage de l'anglais par exemple, reste cependant incapable de saisir le message audiovisuel dans son ensemble. Incompréhension d'autant plus grande que la plupart des films produits par Hollywood (notre pain quotidien) usent d'un anglais plus qu'argotique!

Autre constat: le jeune, si habitué à jongler avec les messages-éclairs des films d'action et (dé)formé par les play-stations et autres jeux vidéo, s'avère souvent incapable de suivre le déroulement d'un film dit psychologique au rythme plus "normal", même dans sa langue maternelle, ou d'apprécier les techniques et nuances cinématographiques telles que le flash back ou les scènes oniriques. D'où ennui et désintérêt.

Ce double constat a incité l'asbl Les Grignoux à organiser au cinéma Arenberg-Galeries des matinées cinématographiques axées sur des films développant des thèmes autres que les Terminator, American Pie, Scream, etc. au message simpliste ou manichéen. Films de qualité tels que Erin Brockowitz, Billy Elliot, Le fabuleux destin d'Amélie Poulain, East is east, Trafic, Shakespeare in love ou même un film d'action Girlfight.

L'intérêt évident de cette heureuse initiative est renforcé par le fait qu'à chaque film correspond un important dossier d'analyse cinématographique, agréablement présenté sous forme de questionnaires. Une manière amusante pour l'élève de fixer et les sujets abordés, et l'évolution de l'intrigue, voire l'aspect langagier du film.

Il n'est pas utopique d'envisager le même projet à Blum même puisque notre école dispose désormais d'une salle de projection performante à Renan. Un film DVD, grâce à son choix de sous-titrage multilingue, peut être projeté et analysé par plusieurs enseignants travaillant en commun, interactivité répondant tout à fait à la philosophie de notre Maison.

Pour les linguistes, l'apport purement langagier pourrait être double. Après tout, il n'est pas interdit de visionner un film anglo-saxon avec des sous-titres... espagnols (pour un public formé d'élèves de la section langues modernes) ou... en néerlandais. Ce qui, en un premier temps, échapperait à l'oreille pourrait utilement être récupéré par la lecture.

Pierre De Vuyst, germaniste