Les grandes figures de l'Athénée

Pour célébrer le centenaire de l'Athénée Fernand Blum, une brochure a été éditée. Elle contient divers articles sur de nombreuses personnalités qui furent élèves à l' Athénée.


Armand Abel (1903 - 1973), professeur d'islamologie

Armand Abel (1903-1973) fut professeur d’islamologie à la Faculté de Philosophie et Lettres de l’U.L.B., après une carrière de près de 30 ans à l’Athénée de Schaerbeek. Sa production scientifique fut très variée, mêlant des monographies très spécialisées sur l’orient musulman à des contributions très générales dans le domaine des sciences morales. En 1947, il a publié l’article qui suit dans la Revue de Médecine et de Pharmacie, qui fut l’“ ancêtre ” de notre Revue Médicale de Bruxelles. A lire ce texte, on constate qu’il n’a pas perdu de son actualité, et on ne saurait qu’engager les jeunes générations à en prendre connaissance. A l’heure où un certain nombre d’étudiants, mais aussi quelques-uns de nos collègues, tendent à “ banaliser ”, voire à négliger les valeurs qui sont les nôtres, la lecture de l’article de A. Abel est de nature à rappeler aux lecteurs les principes qui fondent la singularité de notre Alma Mater, et le sens du combat qu’il nous appartient plus que jamais de mener dans une société menacée par le retour des religions, le fanatisme et l’irrationnel.

Stéphane Louryan, Professeur à la Faculté de Médecine de l’Ulb et Membre de l’Académie royale de Médecine de Belgique

Marcel Bergé (1909 - 1986), historien et généalogiste

Né à Schaerbeek le 17 juin 1909 et décédé dans la même commune le 24 janvier 1986, Marcel Bergé est le fils de Gaston Bergé, avocat à la cour d’appel de Bruxelles, et de Jeanne De Jaraczewski, famille dont plusieurs membres sont aussi des anciens de l’Athénée Fernand Blum. Aussi petit-fils de Henri Bergé (1835-1911) éminent professeur de chimie, Marcel Bergé, devenu historien, consacra sa vie à l’histoire de sa chère commune ; il fit notamment acheter par celle-ci, en 1950, un château vénérable qui est devenu un centre culturel (la Maison des Arts situé numéro 147 de la chaussée de Haecht) et classé comme patrimoine en 1993. Il fut professeur dans notre établissement et son souvenir persiste notamment du fait que pendant de nombreuses années et jusqu’à sa mort, il fit le compte rendu oral dans un style personnel, très savoureux, des événements et bizarreries de l’année au banquet du solstice d’hiver (Noël) des enseignants de l’AFB.
Passionné de généalogie, il entre en 1956 au Service de Centralisation des Études généalogiques et démographiques de Belgique (S.C.G.D.) dont il devient de président en 1966 et c’est peu avant sa vingtième assemblée générale qu’il décède inopinément. Parmi ses travaux, une étude fouillée des bâtards de la Maison de Bourgogne. Il fut aussi Vénérable Maître d’une Loge maçonnique (1960-1962), succédant bien plus tard à son grand-père susmentionné (1872-1875). Son fils et ses deux petits-enfants sont aussi des anciens de l’athénée.

Daniel Geerinck, 26 décembre 2015

Bibliographie

Anonyme : In Memoriam Marcel Bergé. Intermédiaire des généalogistes,  242 : 85-86 (1986)
http://fr.wikipedia.org/wiki/Marcel_Berg%C3%A9
2014 [Geerinck D. & Martin Ph.], Marcel Bergé in Tisaun P., 1913-2013 Athénée Fernand Blum - Cent ans d’histoire. Éd. Athénée communal Fernand Blum, Schaerbeek : 100.

Fernand BLUM (1885 - 1963)

Licencié en Sciences Politiques et Administratives de l'ULB, il milita dans les rangs du parti libéral à Schaerbeek où il fut successivement conseiller communal, échevin de l'Instruction Publique (1923-1938) et bourgmestre (1938-1940). Progressiste, très attaché à la démocratie et au libre examen, il fut interné pendant la Première Guerre mondiale et, de 1916 à 1918, passa de longs mois dans les camps en Allemagne. En 1940, craignant d'être à nouveau inquiété par l'occupant, il passa à la clandestinité. Il développa considérablement l'enseignement officiel dans sa commune, fonda plusieurs écoles communales, créa des cantines scolaires, des garderies. .../... Fernand Blum avait été initié franc-maçon à la loge « Les Vrais Amis de l'Union et du Progrès réunis », à l'Orient de Bruxelles du Grand Orient de Belgique.

(Extrait de M. Bergé, cité in "Dictionnaire historique de la Laïcité en Belgique paru aux éditions Luc Pire avec la Fondation Rationaliste sous la direction de Pol Delfosse").

Le Conseil Communal unanime, en une séance solennelle, le 14 juin 1951, rendit hommage aux trente années de dévouement à la commune et à l'attitude du Bourgmestre Fernand Blum pendant les deux guerres. M. Gaston Williot rappela ses activités de député, de journaliste, de professeur, d'administrateur et d'homme d'œuvres. Afin de commémorer cette brillante carrière, toute entière consacrée à la chose publique, le Conseil décida de conférer son nom à l'athénée au développement duquel il avait si ardemment contribué, et qu'il refusa opiniâtrement de céder à l'Etat.

(Extrait de "Les Amis de l'Athénée Fernand Blum (Ed.), 1954.- 40è anniversaire de l'Athénée communal Fernand Blum:92p. Bruxelles").

Fernand BLUM (Photographie extraite de "Les Amis de l'Athénée Fernand Blum (Ed.). 1954.- 40è anniversaire de l'Athénée communal Fernand Blum:92p. Bruxelles", reproduite avec l'autorisation de l'éditeur)

Buste en bronze de Fernand BLUM (photographie E. Walravens, 2005)


Jean CHRISTOPHE (1928 - 2013), Professeur de biochimie

Monsieur Stéphane Louryan, Professeur à la Faculté de Médecine de l’Ulb et Membre de l’Académie royale de Médecine de Belgique, a consacré un article à la mémoire de cet éminent professeur de biochimie.

Jo DELAHAUT (1911 - 2002), Peintre abstrait

Né à Vottem-lez-Liège le 22 juillet 1911, Jo Delahaut fait ses études à l'Académie des Beaux-Arts de Liège avant de réussir brillamment une licence et un doctorat en histoire de l'art et archéologie à l'Université de Liège (1939). Professeur à l'Athénée Fernand Blum (1936-1962), il devient ensuite professeur à l'INSAS et à l'Institut de La Cambre (1962-1976). Jo Delahaut est décédé à Schaerbeek le 20 février 2002

Le peintre Jo Delahaut était une des figures emblématiques de l'abstraction géométrique en Belgique.

Après une première exposition à Charleroi (1942), il abandonna progressivement le figuratif au profit de l'abstraction géométrique dont il fut l'un des initiateurs. Sociétaire des "Réalités Nouvelles" à Paris en 1946, membre de "La Jeune Peinture belge" à Bruxelles en 1947 (Mig Quinet, Louis van Lindt , Gaston Bertrand, Marc Mendelson , Anne Bonnet), membre fondateur du groupe belge "Art Abstrait" en 1952, il fut coauteur en 1954 du "Manifeste Spatialiste", avec Pol Bury (1922), entre autres.

De la géométrie plane et colorée qu'il utilisait dans son travail, Jo Delahaut disait: «La géométrie est à mon avis la science la plus représentative de l'Homme. Elle ajoute à la clarté d'un exposé, elle est lisible, compréhensible intuitivement même par ceux qui en ignorent la théorie».

Auteur de plusieurs oeuvres monumentales, de céramiques (notamment la station de métro Montgomery à Bruxelles) ainsi que de sérigraphies, de bijoux et de reliures, Jo Delahaut exposa dans de nombreux pays.


Jo DELAHAUT au travail et deux timbres commémorant son œuvre

André DELVAUX (1926 - 2002)

Faut-il présenter encore le réalisateur et cinéaste belge dont les cinémathèques du monde entier collectionnent les œuvres? André Delvaux par son investissement, sa grande culture générale, sa sensibilité "biculturelle" et, tout simplement, la grande qualité de son travail aura marqué l'histoire du cinéma mondial, en particulier, du cinéma belge.

André Delvaux naît le 21 mars 1926 à Heverlee. Domicilié à Schaerbeek depuis son plus jeune âge, il y accomplit ses études primaires et secondaires en français. Après avoir achevé ses études secondaires à l'Athénée Fernand Blum en 1943, André Delvaux refait une rhétorique en néerlandais à l'Athénée de Bruxelles pour échapper au travail obligatoire pendant l'occupation. Parallèlement à ses études secondaires, il étudie aussi la diction, le piano et la composition musicale au Conservatoire de Bruxelles.

André Delvaux poursuit des études de philologie germanique et de droit à l'Université Libre de Bruxelles. A ce titre, il est engagé à l'Athénée Fernand Blum comme professeur de langues germaniques. De 1949 à 1962, Delvaux y est un professeur brillant et exigeant. Ses étudiants se souviennent aussi des nombreuses allusions de leur professeur à sa passion déjà dévorante pour le cinéma. Il y organise d'ailleurs un club de cinéma dans le cadre duquel ses premiers courts-métrages, réalisés avec le concours de ses élèves, voient le jour. Le soir, André Delvaux accompagne des films muets au piano, à la cinémathèque de Belgique.

De 1963 à 1986, il enseigne le langage du cinéma et la réalisation à l'INSAS, qu'il a co-fondé en 1962. Dans les années 1960 il réalise une série de documentaires pour la RTB sur des réalisateurs tels que Federico Fellini et Jean Rouch, se rendant sur des tournages comme celui des "Demoiselles de Rochefort" de Jacques Demy. Ce n'est qu'en 1965 qu'il signe son premier long métrage, "L' Homme au crane rasé" en langue flamande. Il réalise d'ailleurs indifféremment en flamand ou en français, se penchant même sur cette dualité belge dans "Un soir un train" (1968). Malgré ses moyens réduits et sa réputation de réalisateur expérimental, André Delvaux est sollicité par des comédiens séduits par son travail comme Marie-Christine Barrault qui joue sous sa direction dans "Femme entre chien et loup" (1979).

Ce cinéaste dont l'œuvre confine souvent au fantastique trouve son inspiration dans des œuvres littéraires dont il s'inspire librement comme pour "Rendez-vous a Bray" (1971) tiré d'une nouvelle de Julien Gracq ou encore son dernier long métrage "L'Œuvre au noir" (1988) adapté du roman de Marguerite Yourcenar.

Il réalise en 1985, pour le cinquantenaire de la Cinémathèque Royale de Belgique, "1001 films", un 8' sur la préservation des premiers films sur support pellicule.

André Delvaux obtint de nombreuses distinctions dont le Grand Prix au Festival d'Hyères pour "L'Homme au crâne rasé" (1965), le Prix Louis Delluc pour "Rendez-vous à Bray" (1971), le Prix Spécial du Jury au festival mondial du cinéma de Montréal pour "Benvenuta" (1983), le Prix Joseph Plateau pour l'ensemble de sa carrière au festival du film international des Flandres (1991) et le Prix Spécial pour l'ensemble de sa carrière au Fantaporto, au Portugal (1996).

Ce grand monsieur du cinéma mondial meurt à l'âge de 76 ans, à Valence, le 4 octobre 2002, en succombant à une crise cardiaque. Il y assistait à la deuxième édition de la Rencontre mondiale des Arts de la ville de Valence.

(D'après par "Nysenholc, A. (Ed.), 1994 - André Delvaux:399p. Bruxelles" et d'après Pelletier, P. pour Les Gens du Cinéma sur le site "www.lesgensducinema.com ").


André DELVAUX (photographie extraite du site: http://www.filmkultura.iif.hu)

Filmographie

Cinéma

Télévision

Jean DRYMAEL (1912 - 1942), une importante personnalité

Si cet ancien, méconnu de l’athénée Fernand Blum, est exhumé ici, c’est d’une part qu’il a mérité cinq pages dans la « Nouvelle Biographie nationale » (1997) et d’autre part qu’en l’honorant, il peut servir d’exemple de tous ceux qui ont sacrifié leur existence à la liberté et aux principes du libre examen, chers à notre établissement. En effet, Jean Drymael (1912-1942) est cité face à l’entrée principale de l’avenue Renan, sur le panneau des Hommes tombés pour la patrie.
Il fait donc ses études secondaires dans notre athénée,  en sort en 1930, passe l’examen pour entrer en polytechnique et devient en 1935, ingénieur, spécialisé en électricité de l’Université libre de Bruxelles. Passionné d’aviation, il poursuit des études dans ce domaine ; c’est ainsi qu’il devient assistant à l’ULB, traitant les sujets d’aérodynamisme, et collabore à une firme de constructions  aéronautiques, notamment pour un prototype d’avion trimoteur. Une thèse en 1938 le classe troisième parmi celles présentées cette année-là par les ingénieurs civils. En 1939, suite à une nouvelle thèse, il est classé premier et lauréat de la « Société royale belge des Ingénieurs et industriels ». Il a résolu ainsi des problèmes mathématiques à plusieurs inconnues, dont la méthode n’a été supplantée que par l’arrivée des ordinateurs. Il a encore travaillé sur des problèmes de constructions à partir de poutres métalliques et de treillis.
Sous-lieutenant de réserve de l’armée belge, il veut continuer la lutte après l’armistice ; il rejoint Gibraltar, puis parvient à s’embarquer pour la Grande Bretagne. Voulant devenir pilote, il est accepté, suit un apprentissage rapide mais approfondi, donc éreintant, devient finalement lui-même enseignant en aéronautique et publie plusieurs articles dans le « journal of the Royal Aeronautical Society ». Il finit même une thèse de doctorat, soumise à un jury mais qu’il n’aura pas l’occasion de présenter ; elle est retrouvée en 1953 et mise en forme par sa veuve, Emma Chaltin (1910-2002). Il reçoit ainsi, à titre posthume, une seconde fois le prix de la « Société royale belge des Ingénieurs et Industriels ».
Après 287 heures de vol d’entrainement, il effectue sa première opération de pilote le 25 décembre 1941. Le 3 février 1942, avec quatre hommes à bord, son avion est abattu par l’ennemi nazi. Trois sont faits prisonniers dont un décédera ; quant à Jean Drymael, il n’a pas été récupéré. Après la guerre, elle prend contact avec les deux rescapés dont l’un, Robert Brand, répond et avec qui elle gardera des contacts réguliers. Pendant longtemps, elle n’a pas accepté la disparition de son mari et avait fait retirer son nom de la plaque commémorative à l’athénée. Si je connais un peu cette histoire tragique, c’est du fait qu’Emma Chaltin, enseignante en mathématiques au lycée Émile Jacqumin de Bruxelles, était une collègue, grande amie de ma belle-mère physicienne et que j’ai bénéficié de l’hospitalité de la famille Brand, lors de séjours à Londres pendant mes études botaniques.
Il est extraordinaire de constater la renommée de Jean Drymael dans sa discipline, alors qu’il n’avait pas trente ans quand il est décédé. Divers articles ont été publiés en hommage à sa personnalité et qui sont référencés dans sa notice biographique [Van Laer & Jaumotte, Nouvelle Biographie nationale, 4 : 138-142, édition de l’Académie royale des Sciences, des Lettres et des Beaux-arts (1997)].

Daniel Geerinck, d’après Jean Van Laer et André Jaumotte, 26 décembre 2015

Voir aussi

[Geerinck D.], Jean Drymael in Tisaun P. 1913-2013 Athénée Fernand Blum  Cent ans d’histoires.  Éd. Athénée communal Fernand Blum : 91 (2014).

P.S. Jusqu’à présent aucune photo de lui n’a été retrouvée et elle est souhaitée par cet appel.   
     

Adolphe FESTRAETS (1913 - 1992) , professeur de physique

Stéphane Louryan, Professeur à la Faculté de Médecine de l’Ulb et Membre de l’Académie royale de Médecine de Belgique, a publié un article consacré à ce grand Monsieur, ancien élève à l'Athénée Fernand Blum : "Souvenirs d’un maître : Adolphe Festraets ou comment l’utopie pédagogique peut se faire réalité."

Jacques GROOTHAERT (1922 - 2009)

Décédé le 22 mai 2009, entré au ministère des Affaires étrangères en août 1945, à l’âge de 22 ans, après une licence en Philologie germanique à l’Université de Gand, Jacques Groothaert, qui était né à Heist, le 25 novembre 1922, restera comme l’homme qui ouvrit notre ambassade à Pékin en 1972 après les deux décennies de boycott économique et d’ostracisme politique qui avaient suivi, en Occident, l’avènement du régime communiste chinois. Ouverture homérique, dans des conditions matérielles difficiles (l’ambassade fut d’abord une chambre d’hôtel), mais professionnellement palpitantes puisque, aux côtés de l’ambassadeur Groothaert, se trouvaient Patrick Nothomb, autre diplomate d’exception, et un certain Simon Leys comme attaché culturel.
"J’ai eu la chance, le privilège dû à de bienfaisants hasards", écrivait Jacques Groothaert dans un livre de souvenirs publié en 1991 ("Le Passage du témoin", Duculot), "de vivre quelques années dans la Russie de Staline, la France de de Gaulle, l’Amérique de Kennedy, la Chine de Mao". Et c’est vrai que cette carrière fut exceptionnelle.
M. Groothaert fut successivement en poste à Prague, Moscou, Mexico, Paris et Kinshasa, avant d’être nommé consul général à San Francisco, ministre conseiller à Londres, ambassadeur au Mexique, puis en Chine et au Vietnam, directeur général des relations économiques extérieures au ministère enfin.
Le 1er septembre 1980, Jacques Groothaert quittait la fonction publique pour s’essayer à d’autres exercices de diplomatie, dans le monde des affaires. Il fut, pendant plus de dix ans, le président du Conseil d’administration de la Générale de Banque (à une époque où la future Fortis jouissait encore de tout son crédit). Il présida aussi le CA de la SABCA et de Transurb, entre autres, et fut administrateur de nombreuses sociétés et organisations professionnelles, de Tractebel à la FN, de l’OBCE à Fabrimétal.
L’Europe, la Russie et la Chine nourrirent, chez Jacques Groothaert, des passions durables, bien qu’il fut aussi un très efficace commissaire général d’Europalia Japon en 1989. Sur la première, il rédigea un essai en 1996 ("L’Europe aux miroirs", Labor). Sur la seconde, il donna volontiers des conférences, de Bruxelles à Harvard. Sur la troisième, il multiplia les écrits et les interventions, présidant au passage la Chambre de commerce belgo-chinoise ou la Belgium - Hong Kong Society.
Homme d’une grande culture et d’une tout aussi grande curiosité, infatigable, disponible, dévoué, Jacques Groothaert se retrouvait aussi bien dans l’équipe éditoriale de la revue "Encres de Chine", pour soutenir une poignée de passionnés, que dans le comité d’orientation de "La Dernière Heure", pour garantir, avec Hervé Hasquin ou Arthur Bodson, les recteurs de l’ULB et de l’ULg, la ligne libérale du quotidien quand y entrèrent de nouveaux actionnaires en 1986.
Ce qui frappait en Jacques Groothaert, outre sa simplicité, c’était sa capacité d’indignation, bien peu diplomatique. Qu’il s’agisse, dans une opinion publiée en une de "La Libre" il y aura bientôt vingt ans, de condamner la répression de Tian’anmen (en misant sur une prochaine génération de dirigeants chinois plus éclairée). Ou d’être parmi les premiers à dénoncer le sort fait aux fils de Simon Leys, privés de leur passeport belge par un ministère que l’ambassadeur honoraire et l’ancien attaché culturel avaient pareillement servi. Bien qu’affaibli par la maladie, il continua à suivre de près cette affaire qui le scandalisait.
"J’aimerais retrouver un jour le silence et la lumière de la baie d’Along", confiait Jacques Groothaert.

La Libre Belgique (2009)


Jacques Groothaert (Photo : agence Belga)

D’André Leveugle à André Lamy (1962 - )


 Né le 31 octobre 1962, André Leveugle effectue ses études secondaires à l’athénée Fernand Blum. Il exerce très tôt ses dons d’imitation des voix en croquant ses professeurs ainsi que des artistes bien connus dont son comédien fétiche Louis De Funès. Dès l’âge de 15 ans, André, qui prendra le pseudonyme de Lamy, se produit dans des spectacles privés et sur des radios locales. Après ses humanités, il devient caissier dans une grande surface tout en essayant de devenir un professionnel du spectacle. On imagine que les clients du magasin devaient choisir la file privilégiée pour entendre le jeune artiste qui immanquablement égayait le lieu. Après trois ans de galère, avec comme parrainage Raymond Devos, il tente sa chance à Paris où il rencontre divers animateurs comme Michel Drucker et Philippe Gildas. Théâtres, radios et télévisions le sollicitent, d’autant plus qu’une place est libre depuis le décès prématuré du célèbre Thierry Le Luron. Il n’oublia pas la Belgique et sept ans après sa rhétorique, il vient se produire gratuitement à Fernand Blum pendant plus d’une heure avec en première partie un nouvel imitateur des enseignants, Xavier Baeselen, ancien échevin à la commune de Watermael-Boitsfort. En 1992, André Lamy participe à l’émission « Les Copains d’alors » de la RTB, où il retrouve ses anciens compagnons de classe, ainsi que son professeur de français Frans François qui s’occupa longtemps du Fond scientifique de l’athénée
André Lamy s’est produit ou se produit aussi dans de nombreuses émissions de télévision, dans des théâtres et notamment à celui des Galeries lors de plusieurs revues de fin d’années. On l’a vu aussi dans un épisode d’une série (Le Bonneur d’en face) avec Annie Cordy. Actuellement sur Bel RTL et avec Olivier Leborgne, c’est  le rendez-vous matinal du compte rendu parodique de l’actualité (Votez pour moi !). Pour la même station mais en télévision, ce sont des reportages périodiques sur la famille royale de Belgique (Palais royal) et l’imitateur se met dans la peau de tous les membres de celle-ci et des hommes politiques de manière cocasse et éblouissante ; parfois ceux-ci jouant eux-mêmes leur propre rôle. Il ne faut pas le confondre avec un homonyme, producteur de film canadien (1932-2010).

Daniel Geerinck, 26 décembre 2015



André Lamy avec son ancien professeur de néerlandais François De Brouwer (à gauche)

Bibliographie

http://www.andrelamy.com

Jean LÉONARD (1920 - 2013), professeur


Le professeur Jean LÉONARD à 92 ans (Photo Daiel Geerinck)

Au moment de la préparation du centenaire de l’AFB, Jean LÉONARD était le plus ancien élève connu. Il est né le 17 mai 1920 à Couvin où son père, ingénieur forestier de Gembloux, avait été nommé au Service des Eaux et Forêts. Jusqu’à la guerre de 1940-1945, il passa toutes ses vacances à Bleid (actuellement Virton), en Gaume, pays de ses ancêtres : son grand-père paternel y est né en 1853 et son grand-père maternel Gustave DUVIGNEAUD à Mussy-la-Ville en 1862. Leur petit-fils fréquente assidûment une ferme voisine et s’initie au dur labeur des champs. En 1925, son père est attaché au Ministère de l’Agriculture à Bruxelles et, en 1932, son fils est inscrit à l’Athénée communal de Schaerbeek en section gréco-latine et entre dans le nouveau bâtiment de l’avenue Ernest Renan, le « co-inaugurant » d’une certaine manière. En 1938, il obtint le prix d’excellence décerné par l’Association des anciens élèves de notre athénée.
Parmi tous ses anciens professeurs, il en retient principalement quatre qui l’ont particulièrement marqué. Tout d’abord, le professeur de français André VANDERHAEGEN qui lui communiqua admirablement la passion de la langue française. Il avait accueilli ses élèves de première année (nommée sixième à l’époque) en leur demandant d’écrire une rédaction évoquant un souvenir de vacances. Enfant, Jean LÉONARD avait une passion  pour les vaches et particulièrement pour Louise, l’une de la ferme qu’il fréquentait. Il intitula sa rédaction « Louise » et décrivit son plaisir de regarder ses yeux, celui de caresser sa peau, de se coller contre elle, exprimant ainsi un véritable amour, mais ce n’est qu’à la fin du texte, à la page suivante, que l’on apprenait qu’il s’agissait d’une vache ! Il reçut les félicitations de son professeur pour le style et le suspense engendré. Un jour, les élèves de cette première année se croisèrent les bras, dix minutes avant la fin du cours. L’enseignant surpris leur demanda ce qui se passait. Ces jeunes de 12-13 ans le prièrent de leur lire un livre. Obligé et obligeant, il leur choisit « Les Misérables » de Victor HUGO. Cette lecture devint un rite. Le professeur avait l’art d’exprimer les sentiments de tous les personnages au point que, lors du passage relatant l’infortune de la petite Cosette, l’un des élèves se mit à sangloter d’émotion. Le plaisir d’entendre ce professeur était tel que ceux-ci lui demandèrent de continuer sa lecture pendant la récréation !
Le deuxième enseignant remarquable était Aimé VLEMINCQ (voir sa notice). Ce biologiste faisait apprécier son amour de la nature, effectuait de merveilleux dessins au tableau et organisait, pour les passionnés, des promenades dans les champs. Il avait toujours une anecdote à raconter pour chaque plante rencontrée.
Le troisième professeur, tout aussi passionnant, était l’historien Aloïs-Yves BARJON dont la description de la beauté de la reine Néfertiti faisait rêver les élèves. Enthousiasmé par l’amour de la nature et par celui de l’histoire ancienne, Jean LÉONARD a quelque peu hésité dans son choix d’études supérieures, histoire ou botanique ? Finalement, il a préféré cette dernière discipline car scout, actif et homme de terrain, il craignait que l’histoire soit une science trop livresque, statique et un peu casanière. Son totem était « Castor fraternel » à cause de son plaisir de construire des ponts sur les ruisseaux par un système de cordes nouées dont il était spécialiste.
Le quatrième professeur particulièrement apprécié fut le professeur de latin Edgar TRIFFAUX avec qui il apprit la sévérité. Il exigeait notamment des rangs impeccables : « LÉONARD, un peu plus à gauche, votre oreille dépasse ». Cet enseignant lui inculqua surtout la rigueur dans l’analyse des textes, le souci de la précision dans les traductions, le désir de perfectionnement et l’amour du latin. Ceci lui fut particulièrement utile, car c’était en latin qu’il était coutumier de décrire les espèces nouvelles de plantes.
Jean LÉONARD n’a jamais oublié son athénée. C’est là, en effet, qu’il effectua, en 1944, son stage d’agrégation de l’enseignement moyen du degré supérieur sous la direction de son ancien professeur de biologie Aimé VLEMINCQ. Il fut tellement enthousiaste qu’il donna une douzaine de leçons supplémentaires, afin de pouvoir bénéficier des conseils précieux de son ancien maître ; ceux-ci se résumaient d’ailleurs en quelques mots : clarté, précision, esprit critique et, bien sûr, enthousiasme. D’autre part et pendant une quinzaine d’années, cet ancien élève fut membre du jury des examens de maturité des rhétoriciens désirant s’inscrire à l’université, ne manquant jamais de poser une question philosophique générale dans l’esprit de cette épreuve. Son épouse Paule est la sœur d’un ancien professeur de biologie de l’AFB., Jean-Marie LATOUR (1925-1958) trop tôt disparu. Leur fils Michel LÉONARD est aussi un ancien de l’AFB (promotion 1965).
À la question initiale posée : « Qu’est-ce qui a pu provoquer votre attirance pour la botanique ? », sa réponse est qu’elle pourrait être notamment d’ordre génétique. En effet, la famille DUVIGNEAUD, patronyme de sa mère, a donné naissance à quatre botanistes : outre lui-même, son cousin germain Jacques DUVIGNEAUD (1920-2006), spécialiste éclairé de la flore belge et co-auteur de la « Nouvelle Flore de Belgique », ainsi que Paul DUVIGNEAUD (1913-1991) professeur à l’Université libre de Bruxelles, précurseur de l’écologie urbaine en Belgique et qui, invité par l’ancien préfet Marc GUIOT, fit en 1985 une conférence magistrale en notre établissement. Le quatrième botaniste est une femme, Anne RONSE, fille de Renée DUVIGNEAUD et qui fait partie du personnel scientifique du Jardin botanique de Meise. Il y eut aussi un porteur du patronyme qui fut, dans la première partie du XIXe siècle, président de la Société royale d’Horticulture de Belgique, un autre, au début du XXe siècle, co-fondateur des Naturalistes belges et, enfin, un biochimiste, Vincent du VIGNEAUD, Prix Nobel en 1955 [TOURNAY R., Albert-François DUVIGNEAUD (1794-1874), membre associé de la Société royale de Botanique de Belgique et sa famille, Bulletin de la Société royale de Botanique de Belgique, 100 : 376-378 (1967)]. D’autre part, le père de Jean LÉONARD, étant forestier, initia son fils à la nature et lui offrit, encore enfant, un exemplaire de la « Petite Flore illustrée » de Gaston BONNIER, avec laquelle il apprit à déterminer les plantes rencontrées.
Toutefois, devenir botaniste professionnel n’était pas évident. Son père lui-même, bien que forestier, était réticent, se demandant à quel débouché pouvait mener ce type d’étude. Le professeur de botanique de l’époque à l’Université libre de Bruxelles était Lucien HAUMAN (1880-1965), lui aussi ancien de Gembloux. Papa LÉONARD alla le trouver avec son fils. L’enseignant leur affirma que c’était une bonne idée, car depuis plusieurs années, il y avait un déficit de candidats en biologie. D’ailleurs, il n’y eut en 1938 que 2 étudiants dans cette discipline dont seul Jean LEONARD choisit la botanique et l’autre la zoologie. Mais la guerre se profilait et l’université fut amenée à fermer ses portes, afin de conserver son indépendance d’esprit. L’étudiant passa dès lors son examen de seconde licence au Jury central, en 1943, devant une assemblée de trois professeurs… flamands, à Gand… et dont le président commença par lui demander pourquoi, habitant Bruxelles, il ne passait pas son examen en néerlandais ! Auparavant, de 1941 à 1943, pendant cette époque troublée, Jean LÉONARD donna des cours clandestins de botanique aux étudiants en sciences et en médecine.

 En 1945, il part 3 ans au Congo belge comme botaniste engagé par l’Institut national pour l’étude agronomique du Congo  (I.N.E.A.C.). Il consacra ensuite toute sa vie jusqu’à l’âge de 81 ans, à l’étude de la flore et de la végétation de l’Afrique tropicale dont il a décrit 341 taxons et parmi ceux-ci de nombreuses espèces nouvelles, suivant ainsi son maitre Lucien HAUMAN. Il fut nommé Professeur à l’Université de Bruxelles où il donna cours de taxonomie botanique de 1957 à 1985. J’ai suivi ce cursus et il m’inocula le virus de la systématique africaine, ce qui me permit notamment de lui dédier plus tard, une orchidée intitulée Polystachya leonardiana,  endémique du Rwanda [GEERINCK D., Notes taxonomiques sur des Orchidacées d'Afrique centrale, VI: Polystachya HOOK. sect. Cultriformes KRAENZL., Bulletin du Jardin botanique national de Belgique, 49: 409-420 (1979)]. D’autres collègues lui ont dédicacé plusieurs espèces. En 1947, il fut l’un des 3 cofondateurs de «  L’Association pour l’Étude taxonomique de la Flore africaine tropicale » (A. E. T. F. A. T.), pour laquelle, en devenant le secrétaire effectif, il inventoria toute la bibliographique de botanique africaine, qu’il publia ainsi annuellement, sous forme d’un bulletin jusqu’en 1972.
 
En 1964-1965, le Professeur LÉONARD eut l’occasion de participer à une expédition militaire belge qui, pour la première fois, réalisa la traversée complète du Sahara d’ouest en est, parcourant notamment l’immense désert de Libye, très mal connu au point de vue botanique.  Cette remarquable aventure a été publiée récemment par un des protagonistes [STASSE J., Coup d’éclat au Sahara, éd. Nevicata : 203 p. (2011)]. À cette occasion, l’explorateur récolta, dans des lacs natronés du nord du Tchad, une purée composée presque uniquement d’une cyanophycée microscopique, Spirulina platensis (organisme unicellulaire sans noyau, proche des bactéries), consommée par certaines populations locales. Il eut l’idée d’en faire analyser la composition chimique. Il s’avéra qu’il s’agissait de l’aliment le plus complet et le plus riche connu en protéines du monde, contenant les 20 acides aminés indispensables à l’alimentation humaine ! [LÉONARD J. et COMPÈRE P., Spirulina platensis (GOM.) GEITLER, algue bleue de grande valeur alimentaire par sa richesse en protéines, Bulletin du Jardin botanique national de Belgique, 37(suppl.): 23 p. (1967)]. Il distribua largement des échantillons de cette algue dont la culture fut dès lors entreprise par des populations locales dans toutes les régions chaudes, ainsi qu’industriellement (la Chine étant le plus grand producteur). Cette algue est aujourd’hui largement consommée par des peuples autrefois sous-alimentés vivant en régions tropicales subdésertiques mais aussi en nos régions, tant ses qualités sont multiples [voir sites internet ci-dessous]. J. LÉONARD s’intéressa aussi aux grands déserts iraniens qu’il parcourut en 1972 et dont il décrivit la flore et la végétation en une dizaine de volumes qui furent traduits en persan.

Ardent défenseur de la culture française,  il participa en 1964 à la création d’un nouveau parti politique, le Front démocratique des Francophones (FDF.). La première place sur la liste du Sénat lui fut proposée en 1968 mais à une carrière politique, il préféra continuer celle de chercheur, plus passionnante. Toutefois, il fut élu premier échevin (1977-1982) à Woluwe-Saint-Lambert, sa commune d’adoption depuis plus de 60 ans et conseiller de l’Aggloméra-tion bruxelloise (actuellement député régional bruxellois) pendant 17 ans (1972-1989). Pendant dix ans, il a guidé aussi des excursions botaniques pour les habitants de sa commune. Celle-ci désira l’honorer ; toutefois, à l’attribution d’une artère à son nom, il suggéra de mentionner celui de la spiruline. Il existe ainsi à Woluwe-Saint-Lambert depuis le 24 septembre 2010, une « avenue de la Spiruline », munie d’un panneau explicatif, située non loin du centre culturel Wolubilis.

Très intéressé par la commémoration du centenaire de notre établissement, il décède malheureusement en mai 2013, avant les différentes manifestations.

Que voilà une belle carrière pour cet être d’exception, qui fait honneur à notre Athénée communal de Schaerbeek.

Daniel Geerinck d’après les souvenirs de Jean Léonard, 26 décembre 2015


Panneau explicatif de l’avenue de la spiruline à Woluwe-Saint-Lambert en l’honneur du Professeur Jean LÉONARD

Hommages parus concernant le professeur LÉONARD

FABRY R.,  Jean Léonard (1920-2013), cofondateur et   cheville   ouvrière  de l’AETFAT. Scripta Botanica Belgica, 50:417 (2013)
GEERINCK  D., Décès   du doyen de   nos anciens  élèves. OS-Renan Roodebeek 5 mai 2013 : [1] (2013).
GEERINCK D., Décès du  professeur JeanLéonard importante   figure de la botanique africaine.  Machoechel, 10 (2) :  14  (2013).
GEERINCK D., Jean  Léonard  est  décédé à deux semaines  de son nonante-troisième anniversaire  in  [TISAUN P.] Pas loin, juste de l’autre côté du chemin. Les Echos de l’AFB, 2012-2013 : 27 (2013).
MAINGAIN O., Disparition du professeur Jean Léonard, ancien échevin de Woluwe-Saint-Lambert. Wolu-Info,  juin 2013 : 11 (2013).
GEERINCK D., Quelques souvenirs personnels du Professeur Jean LÉONARD cofondateur de l’A.E.T.F.A.T. Taxonomania, 35:  1-4 (2014)
GEERINCK D., Jean Léonard in Tisaun P., 1913-2013 Athénée Fernand Blum Cent ans d’histoire. Éd.  Athénée communal Fernand Blum, Schaerbeek : 91 (2014).

Quelques sites internet relatifs à la spiruline

http://www.viesaineetzen.com/node/1284
http://www.diabetendurance.org/spiruline.html
http://www.institut-paul-ricard.org/IMG/pdf/COLLOQUE_SPIRULINE_TULEAR-3.pdf
http://www.woluwe1200.be/fr/vie-communale/democratie-locale/information/fichiers/wolu-info-octobre-2010

André KOECKELENBERGH (1929 - 2014), astronome

Je suis né a Hasselt ( Limbourg) le 2 janvier 1929 et entre dans le « double cube » de l’avenue Renan en juin 1940 pour y subir l’examen d’entrée. J’ai mes premiers cours mi-septembre 1940  avec Émile Vanderborght (français), puis Alfred Bray (français), Émile Hermans (mathématiques), Raymond Bartholeyns (mathématiques), Marcel Bergé (histoire),  Gaston Vannes (Nederlands) , Aimé Vlémincq (biologie), Joseph Delahaut (dessin) et Pierre Leemans (musique). Je suis sorti de rhétorique latin-grec en 1946 et latin-mathématiques en 1947 sous la férule experte de Charles François (mathématiques) dont j’apprendrai plus tard qu’il a commencé sa carrière à l’ Observatoire en dressant la première carte magnétique de la Belgique.

J’entre à l’Université libre de Bruxelles pendant quatre ans en physique et effectue mon travail de fin d’étude avec Evry Schatzman, jeune et brillant astrophysicien de l’Institut d’ Astrophysique à Paris. Ensuite, après un court stage auprès de ce dernier et de Marius Laffineur (un des deux « pères fondateurs » de la radioastronomie en France ), je devient assistant quart-temps  auprès des professeurs Jacques Cox et Pierre Van den Dungen durant un an, puis « assistant volontaire »  à l’Observatoire Royal  dès 1951, attaché à Raymond Coutrez qui crée le service de Physique solaire et de radioastronomie. Je connaissais celui-ci depuis  1942 par mes activités de jeune amateur d’astronomie. Après la préparation des observations de l’éclipse solaire de février 1952 et la réduction des informations ramenées d’Afrique par mes patrons, je prends en charge les observations de cet astre que menait depuis quatorze ans  Gaston Coutrez, calculateur principal et père du précédent. Depuis 1943,  j’avais collaboré en amateur avec celui-ci (le chroniqueur « STAR » du journal « Le Soir »). Service militaire de 1954 jusqu’ en 1956. Par chance, j’ai été nommé assistant en mars 1954. Je n’avais pas de soucis pour l’« après service »!  Vint l’Année Géophysique Internationale (1957-58, prolongée jusqu’ en 1961) qui fut professionnellement écrasante. Raison pour laquelle je cesse d’être actif au sein des « Anciens de l’Athénée Fernand Blum» et au « Fonds Scientifique », tout en gardant le contact occasionnellement ( conférences et animations) avec la section des «Jeunesses Scientifiques» menée par le cofondateur André Biltiau (chimie). Fin 1952, je deviens « démonstrateur du dimanche » au Planétarium du Heysel, aventure terminée en 1963 par la fermeture des lieux pour dix ans de travaux. En 1960,  je succède à Sylvain Arend comme professeur d’astronomie aux « Cours public de la Ville de Bruxelles, que j’avais suivi avec quelques amis quand nous usions nos culottes sur les bancs de l’AFB. J’enseigne aussi l’acoustique physique à l’ INRACI (Parc Duden) jusqu’ en 1973.  En 1968, un vide administratif m’appelle d’avril à octobre à enseigner à l Université de Mons (astronomie-géodésie) .L’ULB me confie les séances d’observations dans sa coupole. En 1970, je présente – enfin – mon doctorat. On ne se pressait pas trop à l’époque et l’astrophysique d’observation solaire requérait une dizaine d’années de données à compiler et à traiter. Entre temps Raymond Coutrez avait quitté l’Observatoire pour assumer une charge plein temps à l’ULB ;  il me fallait dès lors réorienter mes recherches. J’ai choisi la polarimétrie de la lumière solaire que je mène à Bruxelles et à Meudon  avec Audouin Dollfus. Parallèlement, aidé de mes étudiants, on organise des stages d’astronomie pour jeunes au Centre Permanent d’ Etude de la Nature à la Gare de Sivry. Vers 1980, l’Institut des Hautes Études me confie un cours de « Chronologie Astronomique ». Fin 1980, Raymond Coutrez est admis à la retraite et je reprends une partie de ses charges à l’ULB  (astronomie-géodésie et astrophysique solaire). L’observatoire de Zürich cessant ses activités solaires centenaires, je suis amené à prendre en charge un centre mondial chargé de surveiller à nouveau celles-ci  et qui  deviendra le SIDC (Solar Influence Data Center) qui joue actuellement un rôle pivot dans les observations de l’ évolution du « climat solaire » notamment par sa collaboration  à la réalisation de la sonde spatiale SOHO, du traitement de ses données et des projets qui ont suivi. 

En 1994, l’âge de la retraite « me frappe », je quitte l’ULB et l’Observatoire. L’Extension de l’ULB « Eau d’ Heure », puis le Centre de Culture Scientifique de l’ULB à Charleroi , centralisent depuis cette époque mes activités d’astronome et d’ administrateur. Mon intérêt pour l’histoire des sciences  me fera collaborer au Comité belge d’ Histoire des Sciences et les nombreux articles de vulgarisation scientifique et parfois philosophique font qu’un ancien de l’AFB, l’avocat Jean De Bock, me fait rejoindre la « Libre Académie de Belgique». J’ai aussi été associé deux ou trois années à l’administration du PASS ( Framerie). A 83 ans je modère mes activités en présidant  le Cercle d’ Histoire de l’Entité de Walcourt, de Sambre et Meuse où j’ai trouvé refuge lors de ma retraite professionnelle.

J’ai un souvenir reconnaissant pour « mon » athénée où j’ai trouvé des Maîtres (une pensée émue pour, entre autres, Armand Abel, Aimé Vléminq, Charles François et Raymond Rifflet) qui m’ont encouragé et donné une formation scientifique,  humaniste et libre penseuse.

André Koeckelenbergh, juin 2012


André Koeckelenbergh

Basile  RISOPOULOS (1919 - 1997)

Il consacra toute sa carrière politique à la défense des intérêts des francophones, Basile Risopoulos est mort à 78 ans

Il consacra toute sa carrière politique à la défense des intérêts des francophones
Basile Risopoulos est mort
Basile Risopoulos est décédé hier matin des suites d'une pancréatite. Il était âgé de 78 ans. Avec lui, c'est un des plus ardents défenseurs de Bruxelles et de la francophonie qui s'en est allé.
Né à Schaerbeek, Basile Jean Risopoulos était Bruxellois de souche, malgré ses origines «métissées». Son père avait du sang hellénique et venait de Lille, où il avait passé toute sa jeunesse; sa mère était native de Wespelaer. Elle m'a donné l'amour de la langue française et la connaissance du flamand, avait-il coutume de plaisanter.
A l'athénée de Schaerbeek, le jeune Risopoulos est plutôt indiscipliné. Mais sa famille n'est pas riche. Pour entrer à l'Université libre de Bruxelles, il doit solliciter une bourse et obtenir un grade chaque année pour poursuivre son parcours. Et le potache de devenir bûcheur.
A l'ULB, dont il allait devenir, beaucoup plus tard, vice-président du conseil d'administration (1973-1975), Risopoulos commence sa carrière de militant politique au sein des Etudiants libéraux. Il devient rapidement président de la Jeune Garde libérale de Schaerbeek.
Licencié en lettres en 1940 et docteur en droit deux ans plus tard, le jeune homme commence par enseigner l'histoire et la géographie à l'athénée de Saint-Gilles, avant de s'inscrire au barreau de Bruxelles.

Réussir le fédéralisme


En 1943, il passe de l'athénée... à la prison de Saint-Gilles : il est arrêté durant sept mois par les Allemands pour ses activités clandestines. Remis en liberté, il reprend du service à l'AS Commando en Grande-Bretagne, participant notamment à l'offensive sur la Baltique en avril 45. Fin des commandos en janvier 1946 et début d'une brillante carrière d'avocat.
Ce n'est qu'en 1960 que Basile Risopoulos revient à la politique active au sein du Parti libéral, ému par la suppression du volet linguistique du recensement. Si j'ai adhéré au combat d'Omer Vanaudenhove, c'était dans l'espoir que l'Etat belge pourrait résister à ce qui devait inévitablement signifier sa fin dans la forme traditionnelle. C'est-à-dire l'explosion du mouvement flamand. Espoir vite déçu...
En janvier 1966, lors d'un congrès à Liège, le PLP tout entier s'engageait à lutter pour la Belgique et contre le flamingantisme. Mais, trois mois plus tard, les vedettes libérales entraient dans le gouvernement VDB pour appliquer les lois linguistiques de 1963, ce que le gouvernement précédent n'avait jamais osé faire... Rarement déception fut plus profonde !
Au fil des années 60, Basile Risopoulos acquiert la conviction que si les francophones de Bruxelles, et plus largement tous les Belges de langue française, ne se coalisent pas, la dynamique flamande les submergera. Corollaire : si la Belgique venait à ne pas réussir sa mutation fédéraliste, elle courrait le risque de ne plus exister.
En 1969, Risopoulos participe au «groupe des 28», qui prépare la fédéralisation de la Belgique. Devenu président du Parti libéral bruxellois (de 74 à 76), il organise le Rassemblement bruxel-lois. Mais, peu à peu, il se sent à l'étroit dans le PLP, estimant que «son» Rassemblement y est mis à l'écart. Plus grave : que la réforme de l'Etat est «totalement incomprise».
Après neuf ans de présence au Sénat et un an à la Chambre sous la vareuse bleue, il décide de reprendre sa liberté.

Échevin des finances

Son amitié profonde avec Jean Van Ryn, André Lagasse, François Persoons, Lucien Outers et Antoinette Spaak - parce qu'elle est née de dix ans de lutte commune - le pousse irrésistiblement vers le FDF. En 1978, il rallie officiellement les rangs amarantes. D'aucuns trouvent le moment mal choisi : le FDF a entamé son reflux alors que le PRL est à la hausse. Mais il ne regrette rien, affirmant que si des formations comme le FDF ou le Rassemblement bruxellois n'avaient pas été là, Bruxelles aurait été engagée dans un processus de dissolution comme l'ont été les minorités francophones de Flandre.
En 1985, à 66 ans et après dix-huit ans de vie parlementaire, «Riso» quitte l'avant-scène politique, atteint par la limite d'âge imposée par le FDF. Il consacre plus de temps à son cabinet d'avocats et à la Maison de la Francité, qu'il préside.
Mais le virus de la politique ne l'abandonne pas totalement. Aux élections communales de 1988, il est élu conseiller à Ixelles. Durant six ans, il siège, aux côtés d'Antoinette Spaak, sur les bancs de l'opposition au bourgmestre Albert Demuyter. Ceux qui assistent aux séances se délectent de sa faconde, alimentée par une immense érudition et un redoutable humour.
En 1994, les accords de fédération signés par Jean Gol et Antoinette Spaak obligent le nouveau bourgmestre, Yves de Jonghe d'Ardoye, à accueillir le FDF au sein de sa majorité absolue. A la grande colère de certains caciques du PRL qui ne lui ont toujours pas pardonné la «trahison» des années 70, Rispoulos entre au collège. Il aurait aimé devenir échevin de la culture, il hérite des finances et s'emploie à toiletter l'arsenal des taxes communales. Aux termes d'un accord préélectoral, il devait démissionner à la fin de ce mois...
Récemment, cédant la présidence de la Maison de la Francité à Philippe Smits, il avait accepté de prendre la tête d'un Conseil de la Francité, pour le rayonnement et la défense la culture française à Bruxelles.

William BOURTON, 6 mai 1997
(http://archives.lesoir.be)

Les grandes figures de la biologie à l'Athénée Fernand Blum

Hubert BRUGE (1922 - 2017)

Quand je suis arrivé en 1973 à l’athénée Fernand Blum, Hubert Bruge m’a dit (ndlr "... à son nouveau collègue Daniel Geerrinck...") : « Tout ce qui est à moi, est à toi ». On ne peut rêver d’un meilleur accueil. Toutefois, au premier abord, Hubert Bruge peut sembler assez froid car il sourit rarement. Mais comme le l’ai exprimé lors du discours à l’occasion de sa mise à la retraite en 1980, « Sous une rude écorce, il cachait une sève chaleureuse mais, du fait qu'il était en l’implantation de l'avenue Renan et moi en celle de l’avenue de Roodebeek, je n’avais pas eu l’occasion de sucer cette sève autant de fois que je l’aurais voulu ». Cette déclaration provoqua à mon grand étonnement un énorme éclat de rires de la part de mes collègues et même un large sourire du maître. Je n’avais pas compris un double sens plus grivois de mes paroles. J’eus aussi à cette occasion le plaisir de lui offrir une planche dessinée d’une orchidée, originaire de l’est du Congo, que j’avais nouvellement décrite et nommée Polystachya brugeana.
Près de 40 ans plus tard, alors qu'il était devenu le plus ancien professeur pensionné de notre établissement, j’ai voulu l’interroger sur sa vie de biologiste. Son récit de souvenirs s’est surtout orienté vers la véritable odyssée qu’il a subie au début de la seconde guerre mondiale, alors qu’il venait d’avoir 18 ans. C’est ce récit qui est résumé ici, construit à partir d'un enregistrement sonore effectué deux semaines avant ses 90 ans, en avril 2012, et à partir de documents écrits, en respectant au maximum les impressions et les termes de l’auteur.

Hubert Bruge est né à Ypres le 5 mai 1922. Son père, originaire d’Ellezelles mais habitant Flobecq, s’était porté combattant volontaire avec trois amis dès le 4 août 1914, premier jour de la première guerre mondiale. Affecté dans un régiment de grenadiers, celui-ci s’est retrouvé près de Dixmude lors du recul de l’armée belge. Peu après une bataille, il fut atteint de broncopneumonie et évacué finalement à Sainte-Adresse (à côté du Havre, en France) qui fut le siège du gouvernement belge en exil. Déclaré inapte au combat, il fut affecté pendant trois ans à un atelier d’artillerie comme ajusteur. [ndlr : L’athénée Fernand Blum a participé en 1989 à la commémoration du septante-cinquième anniversaire de la présence belge à Sainte-Adresse, du fait qu’il était allié à une famille installée là-bas, en particulier le Directeur du Moniteur belge de l’époque; un échange culturel, auquel participa l’ancien proviseur Marcel Seynave, eut lieu avec une école de la ville. Le blason de Sainte-Adresse est écartelé à la croix engrelée d’or ; aux 1 et 3 : d’azur à la tour d’argent et ouverte de sable ; aux 2 et 4 : de gueules à la coquille d’or ; à un écu brochant du drapeau belge]. Après la guerre, son père postula un emploi au Ministère s’occupant des dommages de guerre et il fut chargé d’effectuer le relevé de ceux-ci pour la population des environs d’Ypres, alors qu'il ne connaissait pas un mot de west-flandrien. Il y rencontra sa future femme, institutrice en vacances dans la pension qu’il habitait. L’inventaire de son père fut terminé deux ans après la naissance de son fils Hubert. Mis au chômage, il retrouva un emploi dans la finance à Bruxelles, grâce à intervention de son beau-frère banquier.
Hubert Bruge habitait Forest et les échos de la nature l’attirèrent progressivement. Mais la biologie n’avait pas bonne presse et il dut faire des études de pharmacie, sa mère espérant qu'il puisse prendre la succession d’une officine qui allait se libérer. Il appartenait aussi à une organisation scoute catholique fondée par l’abbé Froidure, les "Radieux de Sainte-Alène", aux couleurs jaune et bleue de Saint-Gilles. Il devint chef de patrouille, sans le grade requis du fait qu’un aumônier ne le trouvait pas assez assidu en religion. Son totem était "Docte Perruche", tout un programme. Le 11 mai 1940, il devait passer un examen auprès de l’assistant Chiurdoglu, futur professeur, mais la guerre ayant éclaté la veille, son destin fut bouleversé.
Le 13 mai, il se rendit à la fédération pour offrir ses services et il fut affecté comme estafette pour évacuer les malades et ainsi libérer des lits à l’hôpital Brugmann, afin d’accueillir les premiers blessé. Mais à midi, un ami prévint sa mère que les scouts devaient partir pour la France. Le lendemain après-midi, ils se rendirent à la centrale boulevard Poincarré pour être conduits en camion à la gare de Schaerbeek et prendre un immense train de près de 500 mètres de longueur, constitué de 52 wagons à bestiaux, abandonnés par un régiment de cavalerie et tractés par deux des cinq nouvelles locomotives de la ligne d’Ostende, les "2500" encore peu connues. Ils étaient 47 dans le trente-huitième wagon, pas très propre, prévu pour 30 hommes et 8 chevaux; le plancher était encore humide de l'urine équine. Une proclamation les avertit qu'ils étaient affectés comme auxiliaires de l’armée française. Le départ s’effectua enfin à 17 heures et quart mais dix minutes plus tard, ce fut la première alerte et le premier arrêt d’une longue série. Une heure plus tard, à Hal, il fallut attendre le franchissement du canal, exactement à hauteur d’une grille de défense antichars de 4 mètres de hauteur et réputée infranchissable. Elle devait être prolongée pour couper la Belgique en deux afin d’arrêter les chars. À Hennuyères, ils virent les premiers bombardements. À Braine-le-Comte, la verrière de la gare n’avait plus un seul carreau intact et un autre train remontant avec de jeunes soldats attendait. Un dialogue poignant s’engagea de wagon à wagon entre les scouts et les soldats. Au-delà de Jurbise, il y eut longue pose et ils purent voir, au loin, Mons en feu; il était 22 heures. Neuf personnes mortes, d’un train précédent, jonchaient les quais. C’était la panique et ils reçurent l’ordre de ne pas quitter leur wagon. Les chefs et quelques routiers aidaient les réfugiés et leur donnaient à boire et à manger sur leurs provisions. Ils apprirent plus tard qu’un autre train, longeant le leur, était bourré de dynamite. A 3 heures du matin, devant l’incapacité du chef de gare de gérer la situation, le chef de train décida de partir avec prudence, d’autant plus qu’on entendait depuis plusieurs heures le bruit des canons au loin. Deux chefs scouts s’installèrent sur le parechoc de la première locomotive pour vérifier l’état de la voie ; heureusement celle-ci s’avèrera intacte.  Deux heures plus tard, ils franchirent enfin la frontière. Sept heures après, ce fut l’arrivée à Cambrai sans pouvoir effectuer le change en monnaie française. Là, un convoi de Maghrébins attendait; ceux-ci découpaient, à même le sol, une vache entière; ce fut leur dernier repas car les scouts apprirent qu’ils se firent décimer à Gembloux. Dans l’après-midi du mercredi, arrivée à Péronnes avec d’autres convois, notamment des Britanniques qui, quelques jours plus tard, furent à Dunkerque prêts à rejoindre leur pays, afin d’éviter l’encerclement. À 20 heures, Compiègne où les Allemands signèrent l’armistice en 1918. Après le contournement de Paris le jeudi matin, à Creil, la Croix-Rouge intervint enfin. Ils étaient à court de nourriture et de boisson. Ils reçurent des boîtes de jambon, pour lesquelles leurs canifs étaient peu adaptés à les ouvrir. Les cheminots français, admiratifs des superbes machines à vapeur, les gardèrent, les remplaçant par une autre locomotive plus ancienne. Plus tard, au Bourget, énorme gare de formation mais vide, les scouts se soulagèrent entre les rails. Arriva un autre train, mitraillé, de réfugiés belges et de blessés. 3000 belges chantaient la Brabançonne devant un cheminot français au garde-à-vous, seul sur la passerelle surplombant la gare. Dans ce cadre désolé, c’était une scène totalement grandiose, surréaliste et dérisoire comme dans un film de Bunuel ou de Pasolini. C’est le souvenir le plus pathétique qui est resté, dans la mémoire d'Hubert Bruge, de ce voyage. Par la suite, à chaque station, les scouts reprirent la Brabançonne et la Marseillaise parfois devant des autorités militaires françaises bien perplexes et n’étant pas certains que qu'ils étaient de vrais patriotes, craignant être en présence d'espions allemands appelés « cinquième colonne » dont elles avaient l’obsession. À Orléans, ils croisèrent  des scouts français, échangèrent des badges et de foulards : presque un vrai jamboree. Toutefois, Hubert Bruge refusa de céder son « Saint-Michel » contre une « Jeanne d’Arc » attirante, voulant conserver un témoignage de son origine, se souvenant de la difficulté de mon père à prouver la sienne lors de la guerre précédente au moment de rentrer chez lui, après l’armistice. Le second train belge arriva, ainsi qu’un autre qui avait été mitraillé à Soissons. Il était 18 heures moins le quart, ce jeudi 16 mai, quand ils quittèrent Orléans avec une locomotive électrique : destination Montpellier et deux heures plus tard les premiers vignobles. C’était la première fois qu'Hubert Bruge voyait cela mais ma mère qui avait vécu à Bordeaux lui en avait parlé. Il fut ému car la vigne avait accompagné les périples de l’espèce humaine à travers la succession des civilisations. Le lendemain matin, vers deux heures, un homme ouvra le wagon et les interrogea avec un accent nouveau, celui du Midi : Ils étaient à Limoges. À Souillac, une grande citerne d’eau leur permit enfin une toilette relative après trois jours. Àprès la pluie, à 17 heures, arrivée à Carcassone ; le soleil était revenu. Hubert Bruge se soulagea contre une énorme muraille qu'il croyait être un château-fort ; il ignorait que c’était la plus prestigieuse ville moyennageuse  restée fortifiée. Le soir, à Narbonne, il aperçut au loin un long zigzag violacé de montagnes ; c'était les Pyrénées. Elles étaient encore à 100 kilomètres de distance mais il fut très impressionné. Lorsqu'ils quittèrent la gare après le ravitaillement, ils s'agglutinèrent à la portière du wagon et soudain, un fin liseré d’argent leur apparut, d’abord furtivement, entre deux collines : c’est la mer Méditerranée. Hubert Bruge fut ébahi comme Christophe Colomb découvrant l’Amérique. À Montpellier, tout le monde descendit ; il était 20 heures et demie. En rang par quatre de front, les scouts mùarchèrent en chantant – 3000 personnes, cela s’entend – jusqu’à un grand garage en construction, mais la Croix-Rouge prévenue n’est plus là. Le personnel épuisé avait ravitaillé peu de temps auparavant un train de réfugiés luxembourgeois partis juste à temps pour ne pas être incorporés dans l’armée allemande. Les scouts furent harcelés de questions sur la fureur nazie, alors qu'ils n'avaient pas vu grand-chose. Quelques scouts, maniant le patois bruxellois et servant d’interprètes, essayaient de dialoguer avec les luxembourgeois, afin qu’ils ne soient pas encore pris comme des espions allemands À près de minuit, les scouts s'endormirent sur un lit de 5 centimètres de paille couvrant du béton et dans des sacs de couchage heureusement emportés. Le lendemain matin, après avoir effectué une toilette sommaire et pris un petit déjeuner, Hubert Bruge souhaita faire un tour de la ville mais un tirailleur sénégalais couvert de son chéchia rouge et muni d’une baïonnette au canon avec une lame de 30 cm de longueur le lui interdit ; iul essaya quand même de passer mais avec l’arme sur le ventre, il n'insista plus. Les scouts furent amenés dans un stade où ils furent parqués sous haute surveillance, sans nouvelles de ce qui se passait en Belgique. À midi nous reçurent à manger, pain au levain, saucisson et fromage quelque peu moisis, très salés, sans boisson malgré l'écrasante chaleur. En fin d’après-midi, ils apprirent enfin que nous allaient être répartis dans différents villages des environs. Au village « Le Crès »  105  d’entre-eux furent laissés sous le regard inquiet des habitants. Les logements étaient des maisonnettes normalement destinées aux vendangeurs. Le clan d'Hubert Bruge disposait de deux pièces de 5 × 3,5 mètres, sans toilettes. La garrigue proche allait servir, ainsi que la fontaine publique pour boire. Le soir, une radio les informa des nouvelles de Belgique ; les allemands étaient entrés dans Bruxelles.
Dix jours plus tard, le 28 mai, ils apprirent la capitulation de la Belgique ; la population locale hésitait sur l’attitude à prendre à notre égard. Certains travaillaient dans les vignobles. Les scouts se préparaient à former l’ombre d’une légion étrangère, auxiliaire de l’armée française suite à l’arrivée d’un bataillon tchèque aussitôt incorporé. Le 10 juin, ce fut l'entrée en guerre de l’Italie et le 23 juin la France abandonna le combat. Entretemps, un capitaine belge, mobilisé dans un régiment de transport et qui était notre ancien responsable (sachem), arriva. La guerre finie, nous devrions pouvoir rentrer en Belgique mais rien ne se décida et la tension monta. Notre sachem parvint à partir pour Bruxelles afin de régler notre retour avec les autorités belges restées à Bruxelles ; il emporta avec lui des lettres pour nos parents. Bien que collé au ravitaillement, au cours d’excursions, Hubert Bruge se forgea une collection d’insectes dans une ancienne boîte de margarine. Le 21 juillet, le sachem était de retour, apportant des nouvelles de nos familles. Trois jours plus tard, un des nôtres, logeant à Castelnau, mourut d’une bronchopneumonie. Le 31 juillet avec 35° à l’ombre, les autochtones se plaignaient de n'avoir jamais connu un été aussi chaud depuis 1915. Les scouts ne s'en plaignaient pas. Dès le 14 août, veille de fête, les scouts avaient confectionné à la mesure de leurs moyens financiers, une plaque commémorative, très simple, en pierre de France, scellée dans le mur du fond de l’église, avec en lettres rouges cette inscription : "Les scouts belges réfugiés, en reconnaissance aux habitants du Crès, mai – août 1940".
Le 3 août, ce fut le retour en train vers la Belgique mais certains étaient déjà partis plus tôt. La veille, ce fut le dernier repas avec les familles d’accueil. Réunis sur la place du village avant de se rendre à la gare, un curieux mélange de joie et de tristesse emplissait les cœurs des scouts, comme  celui des quelques habitants qui se levèrent à 3 heures du matin pour les saluer une dernière fois. À Castelneau, des trams les attendaient pour rejoindre Montpellier. Bien qu’il était annoncé des wagons normaux, ce furent à nouveau des wagons à bestiaux qui ls ramenèrent au pays. En dépit des circonstances, Hubert Bruge vécut en Provence trois mois merveilleux qu'il n'oublia jamais ; ce fut le plus beau camp scout de notre vie.

Après son retour à Bruxelles, Hubert Bruge reprit mes études de pharmacie jusqu’à la fermeture volontaire de l’Université libre de Bruxelles à cause des exigences inacceptables de l’occupant nazi. Il apprit que l’Université de Louvain acceptait de le prendre sans la condition de déclaration d’appartenance catholique. Sur 96 étudiants, 32 venait de l’ULB et lors de la proclamation 7 d’entre nous obtinrent un grade contre un seul pour les 64 Louvanistes, ce qui fit scandale. Ce fut semblable dans les autres facultés. Hubert Bruge avait encore une année de stage qu'il effectua rue Malibran à Ixelles, chez un pharmacien associé à l’ULB. S’intéressant à l’homéopathie, encore mal connue à l’époque, il eut l’occasion de l’expliquer lors d’une conférence publique. En1944, il devint inquiet. Le contrôle des jeunes était de plus en plus fréquent et il risquait le travail obligatoire en Allemagne, son inscirpition comme étudiant cessant le premier septembre. Il fut convoqué par la kommandantur un prétendu mercredi 9 juillet, mais la date et le jour de semaine ne correspondait pas ; il exprima son incompréhension au colonel de service qui n’admit pas l’erreur de son service, ce qui lui fut favorable. Plusieurs fois, il fut affecté à la description des décédés suite à des bombardements. Voir tant de gens morts et affreusement mutilés marque pour toujourset imprime le facteur chance ou malchance. Par chance, rencontrant mon ancien assistant en pharmacie à Louvain et originaire de l’ULB, ce dernier lui signala un emploi possible au laboratoire médical Sanders. il devint ainsi véritablement pharmacien mais sans enthousiasme.

À la libération, Hubert Bruge dut effectuer mon service militaire. Il apprit que l’armée demandait des pharmaciens militaires. Il voulut devancer son appel déjà reporté par le Conseil de révision ; l’officier qui le reçut était du village de son père, ce qui favorisa son insertion. Il fut affecté aux analyses du Laboratoire central de Santé de l’Armée au parc Léopold à Bruxelles ; les conditions étaient plus que lamentables mais plus tard, du matériel américain du plus haut niveau qui ne retournait outremer, fut récupéré. Un Général qui avait Hubert Bruge en sympathie lui permit de retourner à l’Université mais pas en biologie ; cela ne lui paraissait pas sérieux. Il y travailla en chimie, d’où il sortit licencié chez Jean Brachet (1909-1988). Par l’intermédiaire de Paul Brien (1894-1975) dont il avait suivi le cours de zoologie au début de ses études de pharmacie, il devint l’assistant du botaniste physiologiste Marcel Homès (1906-1986), tout en suivant les cours d’agrégation pour l’enseignement secondaire, avec deux leçons sous le contrôle de l’éminente Lucia de Brouckère (1904-1982), à l’athénée Léon Lepage de Bruxelles. Là, il put de suite enseigner la chimie, ce qui ne l’intéressait pas, persistant à devenir biologiste malgré tous les obstacles. Son maître de stage le mit en contact avec son collègue de chimie André Biltiau, cofondateur des Jeunesses scientifiques de Belgique car, suite au départ en 1950 d’Aimé Vlémincq (1892-1971), la place de professeur de biologie à l’athénée communal Fernand Blum de Schaerbeek était  libre. Il y fut reçu pour une leçon inaugurale, en concurrence avec Jean-Louis Latour (1925-1958). Hubert Bruge gagna mais Jean-Louis Latour sera engagé plus tard et décédera prématurément.

Enfin, Hubert Bruge pouvait professionnellement assouvir sa passion spontanée depuis son enfance. Vers 9 ans déjà, il parcourait les espaces verts, à la recherche de la vie végétale et animale, notamment à l’ancien Tir national (aujourd’hui emplacement de la RTBF) où il découvrait des dents de requin et autres fossiles. Son premier souvenir naturaliste fut l’observation en direct d’une éclosion de hanneton. C’est en tant que routier et assistant de meute que Hubert Bruge rencontra, juste avant la guerre en 1940, un collègue d’une autre meute qui le mit en contact avec l’association des « Naturalistes belges ». Progressivement, Hubert Bruge en devint un des acteurs principaux (secrétariat, excursions, conférences, publications). Ses thèmes de prédilection étaient les insectes, les champignons et les lichens, constituant herbiers et collections. En 1965, lors d’une conférence, il rencontra le futur prix Nobel Christian de Duve (1917-2013) qui le proposa au professeur de zoologie Raymond Rasmont de l’ULB, qui cherchait un assistant à temps partiel. C’est en 1973, en explorant son patelin d’Ellezelles qu'Hubert Bruge découvrit pas moins de 225 espèces d’insectes de la famille des staphylins et qu’ainsi, progressivement, il en devint le spécialiste. Nonagénaire et la vue baissant, ce qui l'empêche d'observer et de disséquer des animaux d’à peine quelques millimètres, Hubert Bruge doit aujourd'hui se résoudre à les abandonner  ses chers staphylins.

Hubert Bruge avait une grande rigueur scientifique dans ses cours et exigeait de ses élèves la connaissance du mot précis des choses et des phénomènes, sans doute du fait que dans sa jeunesse, il avait, comme libre de chevet, un dictionnaire. Il exigeait aussi une tenue irréprochable des cahiers de notes de ses étudiants ; les six pages d’explication, y compris la présentation, la façon d’écrire, de gommer et de présenter une légende de dessin, reste un souvenir vivace de nombreux potaches. Il a laissé à l’AFB une série impressionnante de planches didactiques que conserve précieusement l’actuel professeur de biologie Eric Walravens, qui l'a connu comme assistant à l'ULB.  Enfin, Eric Walravens a dédié la bibliothèque de la classe de biologie à l’éminent maitre qui a offert un grand nombre de ses livres naturalistes à l’AFB. Personnellement, j’ai hérité de son herbier des plantes supérieures.

Daniel Geerinck, d'après un récit d'Hubert Bruge, 2 janvier 2016

Hubert Bruge est décédé le 30 janvier 2017, à l'âge de 94 ans.


Hubert Bruge, âgé de 90 ans (photographie Daniel Geerinck)

Louis VERLAINE (1889 - 1939)

Louis Verlaine, né à Herve le 25 juillet 1889, fut le premier professeur de biologie de l’Athénée Fernand Blum. Probablement que pendant les deux premières années de l’établissement, cette discipline fut confiée à un autre enseignant polyvalent des sciences, comme ce fut aussi le cas lors du début de l’implantation de l’avenue de Roodebeek.

Il effectue ses études secondaires à l’Athénée royal de Namur, puis ses études supérieures à l’Université libre de Bruxelles dont il est proclamé docteur en juillet de l’année de la création de notre établissement. Il en devient professeur de 1915 à 1920 puis il part pour un cours de biologie générale à l’Université coloniale d’Anvers jusqu’en 1928. Pendant la même époque, il est assistant en zoologie (chez Auguste Lameere), puis chargé de cours en physiologie animale et ensuite professeur ordinaire à l’U.L.B. Mais en 1927, il entre déjà comme chargé de cours à l’Université de Liège afin d’enseigner la neurologie animale, puis l’éthologie animale et enfin la physiologie animale. Il devient finalement professeur ordinaire en 1929.

Il est aussi chargé de mission au Congo belge de 1920 à 1921 après son passage à l’A.F.B. et reçoit un prix de l’Académie royale de Belgique en 1926. Revenu invalide de la guerre en 1914, sa santé reste précaire et il meurt en 1939 dans sa cinquantième année. Il fut aussi un militant actif contre la montée du fascisme et du nazisme.

Il fut un précurseur de la psychologie animale, partisan le l’instinct intelligent des insectes dans un esprit néo-darwinien et qu’il étudia durant sa courte vie. Les titres de ses nombreuses publications sur la variabilité et l’adaptation de l’instinct en font foi,  comme la série sur « L’instinct et l’intelligence des Hyménoptères (abeilles, bourdons, guèpes) publiée dans les "Annales de la Société royale de Biologie".  On relève ainsi près de 100 publications traitant de ces animaux mais aussi d’autres insectes, d’araignées, d’oiseaux, de singes, de chiens sans queue… et, en conclusion de son l’enseignement à l’A.F.B, « La puissance moralisatrice de l’enseignement biologique » dans un ouvrage intitulé « Vaste horizon » en juillet 1920.

Daniel Geerinck, 15 mai 2014

Louis Verlaine (photographie extraite de http://zoologie.umh.ac.be/hymenoptera/biblio/Pauly_2001_bibliographie_part1.pdf)

Bibliographie

Remerciements

Bibliothèque de l’Agence du Jardin botanique de Meise [ex-Jardin botanique national de Belgique]

Aimé VLÉMINCQ (1892 - 1971), un farouche défenseur de la forêt de Soignes

Le 24 octobre 1971, Aimé-Georges Vlémincq décédait dans sa quatre-vingtième année, en son domicile à Linkebeek près de sa chère forêt de Soignes, à laquelle il avait consacré sa vie après sa mise à la pension en 1950 comme professeur de biologie, soit 20 ans de lutte constante pour une protection efficace de ce magnifique site. L’année suivant sa disparition, la « Ligue des Amis de la Forêt de Soignes » édite un numéro spécial à sa mémoire [Cosyns  1972].

Ce futur éminent biologiste est né à Graty-lez-Enghien le 12 avril 1892 ; sa mère meurt peu après sa naissance et il est élevé par ses grands-parents maternels suite au remariage de son père. Il a fait ses études secondaires à l’athénée d’Ath. Au départ, il comptait poursuivre des études de médecine mais y renonce en se mariant. Vlémincq eut Jean Massart (1865-1925) comme professeur et il fut indéniablement un de ses fils spirituels dans le mouvement de la protection de la nature que le professeur de l’Université libre de Bruxelles initia en Belgique. Vlémincq est appelé à enseigner la biologie et la chimie à l’athénée Fernand Blum en 1916, suppléant le premier professeur de sciences Louis Verlaine (1889-1939), lui-même attaché à l’Université de Liège. Cette opportunité provient du fait que le préfet d’Ath est le père de celui qui assure la première direction de ce nouvel établissement scolaire. Fernand Carrez (1879-1929), originaire d’Ellezelles, qui engageait volontiers des enseignants et des éducateurs provenant de sa région. Vlémincq fera une série de conférences inaugurales à sa carrière sur le thème de l’évolution, du microbe à l’homme et qui sera publiée. Docteur ès Sciences, il fut aussi professeur à l’Institut des Hautes Études à Gand, à l’Institut des Industries de Fermentation à Bruxelles, ainsi qu’à l’École Decroly d’Uccle [Smolski,2009] ; il n’a pas été oublié dans la liste des anciens enseignants de cet établissement qui commémora son centenaire en 2007. Par la suite, il enseigne aussi aux célèbres cours publics de la ville de Bruxelles pendant la guerre à l’Institut des Arts et Métiers..
  
En dehors de ses activités professorales, Vlémincq propose aussi des conférences, guide des excursions pour la jeune association « Les Naturalistes belges » formée en 1915 et dont il est membre du Conseil d’administration dès 1925 et vice-président de 1936 à 1945. Son érudition était multiple. Il s’initia à la psychanalyse, avait des talents d’artiste et s’intéressait à la poésie (Arthur Rimbaud, Émile Verhaeren, comme le prouve notamment son étonnante liste de publications (voir plus loin). Il enseignait le dessin scientifique à ses étudiants et à ce sujet, il faut citer une note d’un ancien élève, l’astronome André Koeckelenbergh (1929-2014) dans une publication récente [ 2011] lors d’une exposition intitulée «  Le dessin dans les collections de l’ULB »; celui-ci y cite un autre de ses anciens professeurs «… Au terme  de cette présentation, je m’en voudrais de pas rendre hommage aux deux professeurs qui m’ont appris à dessiner en cet Athénée communal de Schaerbeek (Fernand Blum où j’ai usé mes culottes entre 1940 et 1947. J’ai appris le dessin académique avec le moins académique des maîtres, pas très causant, froid et distant, .. Jo Delahaut (1911-1992). Les fins déliés du dessin scientifique ont été inspirés par un professeur de biologie qui nous traitait en grand-père spirituel, Aimé Vlémincq, un virtuose du dessin au microscope et au tableau noir ! … C’était un admirateur inconditionnel de Georges Bracque dont il nous parlait en fin de cours et nous montrait des copies inspirées de ses tableaux, ainsi que de Henri Matisse et de Pablo Picasso ».

En 1950, Vlémincq prend sa pension, remplacé par Hubert Bruge et l’année suivante devient le secrétaire général de la « Ligue des Amis de la Forêt de Soignes » jusqu’en 1960. Cette vénérable association venait de perdre coup sur coup plusieurs de ses fondateurs, celui-ci en assurera avec brio la succession. Dès le début, de son mandat, il analyse le rôle biologique du site en estimant que sa valeur patrimoniale est équivalente à celle de la Grand’Place de Bruxelles [Vlémincq 1952a]. Dans l’article suivant, c’est son rôle culturel qui est mis en évidence ; il cite les vers de plusieurs poètes et de romanciers qui l’ont illustré [Vlémincq 1952b]. Suit une comparaison de Soignes avec celle de Marly  (département des Yvelines en France car il commence à être question de ceinturer la nôtre d’axes autoroutiers [Vlémincq 1952c]. Cette problématique est développée dans sa publication suivante [Vlémincq 1952d]. Il devient ainsi un véritable chantre, faisant référence à tous ceux qui ont remarquablement écrit au sujets des arbres [Colette, Paul Fort,…) [Vlémincq 1953b]. Il remet aussi en mémoire que des œuvres étrangères peuvent avoir pour cadre la forêt de Soignes, comme « The Spanish House » de Eleanor Smith (1938) ; Le titre du roman est l’appellation d’une maison a Tervuren dans laquelle un couple vient s’installer après leur mariage. Notre professeur fait l’analyse des lieux que les personnages fréquentent. [Vlémincq 1954a]. Il publie aussi un nouveau guide sur la forêt de Soignes [Vlémincq 1954b]. Plus étonnant encore pour un biologiste, c’est un petit historique sur les valeurs universelles de l’art (peintures, sculptures) en Belgique [Vlémincq 1977a]. À l’occasion de l’exposition universelle qui se tient à Bruxelles (1958), un colloque se tient pour la protection de la forêt de Soignes et notre vaillant défenseur assure le secrétariat. Ceci n’empêcha pas que le soir, les participants se retrouvaient à guindailler à la « Belgique Joyeuse » reconstitution du Bruxelles du début du XXe siècle dans le cadre de l’exposition.   L’année suivante, c’est la commémoration du Jubilé de la Ligue. En 1960, parvenu à faire classer la forêt de Soignes par la « Commission des Monuments et des Sites » [Vlémincq 1960], il en quitte le secrétariat mais reste conseiller. Il rend aussi à cette occasion hommage à trois autres éminents défenseurs (Henri Carton de Wiart, Albert Devèze et Raoul Duthoit, disparus avant de connaître cet aboutissement.

Aimé Vlémincq n’etait pas un homme austère et son biographe Paul Cosyns signale quelques anecdotes racontées par un autre professeur de l’athénée Fernand Blum, à savoir l’historien Marcel Bergé (1909-1986). À son initiative, un hommage a lieu en 1967 pour son grand ami biologiste. Il dévoile que celui-ci n’avait pas ses diplômes homologués quand il prit sa pension, qu’il était un joyeux drille, ne manquant jamais de participer à la célèbre fête dite « Saint-Verhaegen », qu’il fréquentait fréquemment les cafés d’étudiants afin de discuter enseignement sans révéler sauf à la fin des conversations qu’il était lui-même professeur. Un soir, s’apercevant, qu’il possédait deux cartes de tram dont l’une non utilisée et périmée le lendemain,  il offrit le trajet à tous les occupants, d’abord interloqués et méfiants et bientôt de moroses, ceux-ci devinrent rigolards dans le ton de notre éminent biologiste.  Marcel Bergé qui fut pendant vingt ans président du « Service de Centralisation des Études généalogiques et démographiques de Belgique (SCGD) » a établit bien sûr l’ascendance parentale de Vlémincq.

On peut lire notamment au hasard des pages consultées dans « Les Naturalistes belges [L.B (sic), 13 (1) ; 18-19 (1932)], un compte rendu d’excursion dirigée par Vlémincq.  D’autre part, voici le texte anonyme paru dans cette même revue lors de son décès [52 : 563 (1971)]. «  … Toute son existence fut consacrée à la diffusion des connaissances scientifiques et au souci de la protection de la nature. M. Vlémincq fut un professeur enthousiaste à l’Athénée communal de Schaerbeek, un animateur toujours alerte des excursions des Naturalistes belges, un conférencier brillant, un ardent défenseur de la forêt de Soignes. Par ses vastes connaissances, par son grand talent d’exposition, et aussi par sa cordialité, M. Vlémincq a éveillé chez des générations de jeunes le goût de la nature et la passion de l’étude des organismes vivants. Tous ceux qui ont eu le privilège d’approcher cet homme d’élite conserveront un souvenir ému de sa personnalité » . Qu’ajouter de plus ?

Bien qu’il soit resté dans bien des mémoires, je suis heureux d’avoir pu restituer à nouveau son souvenir pour les jeunes générations et j’en remercie énormément Michel Maziers, secrétaire de la « Ligue des Amis de la Forêt de Soignes » de m’avoir donné accès aux archives concernant Aimé Vlémincq.

Daniel Geerinck, 26 juin 2014

Aimé Vlémincq

Publications d’Aimé Vlémincq

1923 Le caoutchouc. Les Naturalistes belges, 4(3) : 18-21.
1927 Les peupliers. Les Naturalistes belges, 7(8) : 127-128, 7(9) : 136-138), 8(1) : 41-43.
1928a Les peupliers (suite). Les Naturalistes belges, 9(2) : 22-26, 9(3) : 57-61.
1928b Précis des notions élémentaires de biologie – 1 : Les manifestations vitales et les êtres vivants. Éd. De Boeck* : 34 p.
1929 Précis des notions élémentaires de biologie – 2 : L’homme, le champignon d’une moisissure, le lin commun.  Éd. De Boeck* : 104 p.
1932 Excursion dans la vallée de la Meuse Thon-Samson, Marches-les-Dames. Les Naturalistes belges, 13(3) : 51-55.
1932 Excursion à Herenthals. Les Naturalistes belges, 13(6) : 117-120.
1935 Histoire des plantes de la Belgique. Les Naturalistes belges, 16(4) : 74-79, 16(5) : 92-96,  16(6) : 106-115, 16(7) : 127—132, 16(8) : 150-157, 16(9) : 173-173-178, 16(10) : 197—200, 16(11) : 211-219, 16(12) 231—239.
1936a  Histoire des plantes de la Belgique (suite). Les Naturalistes belges, 17(1) : 8-15, ,17(2) : 33-40, 17(3) : 47-54,  17(5) : 86-95, 17(6)  113-118, 17(7) : 133-137, 17(8) : 147-150, 17(9) : 167-170, 17(10)  189 191, 17 : (11) : 207-210, 17 :(12) : 230-237.
1936b L’évolution des êtres organisés. Les Naturalistes belges, 17(2) 40-43, 17(3) : 54-56, 17(5) 93-96, 17(8) 151-154.
1937a  Histoire des plantes de la Belgique (suite). Les Naturalistes belges, 18(1) : 10-14, 18(3) : 44-56, 18(4) : 67-72, 18(5) : 89—795, 18(6) : 115-118, 18(8) 150-157, 18(9) : 168-170, 18(10) 187-188, 18(12 : 236-230.
1937b Histoire des plantes – 1 : Flagellates, algues, bryophytes. Éd. Les Naturalistes belges : 124 p.
1938a Histoire des plantes – 2 : Ptéridophytes. Éd. Les Naturalistes belges : 116 p. 
1938b L’école expérimentale – Solution du problème de l’enseignement. Éd. Office de Publicité, Bruxelles : 110 p.
1939 L’évolution des êtres organisés (suite). Les Naturalistes belges, 20(2) 22-27, 20(3) 48-50, 20(5) 85-94,20(6) : 112-117, 20(7) 12-40, 20(8) : 153-158, 20(9) : 165-171, 20(10) 186-193, 20(11) : 204-217, 20 (12) : 231-235.
1941 In memoriam P.L. Dupont. Les Naturalistes belges, 30(9) : 145-146.
1948 Les grandes étapes de biologie. Éd.  ?, Bruxelles : 120 p.
1950aLa genèse de l’idée d’évolution. Éd. A. Lippens, Bruxelles : 229 p.
1950 b Du microbe à l’homme, conférence présentée à l’athénée de Schaerbeek. Plus Oultre, 15 : mai ; n°  19 : septembre ; n° 20 : octobre.
1951a Histoire naturelle de l’homme – Du microbe au vertébré. L’Athénée 40e année(1/2) : 108-115.
1951b Histoire naturelle de l’homme – Du vertébré au mammifère. L’Athénée 40e année(3) : 42-49.
1951c Histoire naturelle de l’homme – Du mammifère à l’homme. L’Athénée 40e année(4) : 111-119.
1952a La forêt de Soignes et son rôle biologique. Forêt et Nature (Bulletin trimestriel de la Ligue des Amis de la Forêt de Soignes), 3e année(1) : 5-15.
1952b La forêt de Soignes et son rôle culturel. Forêt et Nature, 3e année(3) : 18-28.
1952c La forêt de Soignes et la forêt de Marly. Forêt et Nature, 3e année(4) : 34-44.
1952d La logique du projet de ceinture de circulation. Forêt et Nature, 3e année(4) : 51-61.
1953a Réponse à une question. Forêt et Nature, 3[4**]e année(1) : 4-17.
1953b Le voisinage de la forêt de Soignes confère à Bruxelles la valeur d’une station climatique réputée. Forêt et Nature, 3[4]e année(2) : 30-36.
1953c Lettres patentes de noblesse de la forêt de Soignes. Forêt et Nature, 3[4]e année(3) : 38-41.
1953d Ce site, riche de lumière va bientôt disparaître. Bulletin trimestriel de la Ligue des Amis de la Forêt de Soignes, 34e année(4) : [1-3]
1953e La forêt de Soignes et le point de vue touristique. Forêt et Nature, 3[4]e année(5) : 53-68.
1953f Pour la protection de la nature. Forêt et Nature, 3[4]e année(6) : 71-73.
1953g  La forêt de Soignes et le projet de ceinture de circulation de l’agglomération brixelloise. Éd. Amis de la Forêt de Soignes, Bruxelles : 83 p.
1954a La forêt de Soignes et les artistes étrangers. Bulletin trimestriel de la Ligue des Amis de la Forêt de Soignes, 35e année(2) : 2-20.
1954b Émile Verhaeren. Bulletin de la Ligue des Amis de la Forêt de Soignes, ###
1954c La forêt de Soignes. Éd. Amis de la Forêt de Soignes, Bruxelles : 95 p.
1955 La manifestation Henri Carton de Wiart. Bulletin de la Ligue des Amis de la Forêt de Soignes, 36e année(1) : [8-13].
1957 Esquisse géographique des valeurs universelles de l’art en Belgique et des particularités régionales. Bulletin de la Ligue des Amis de la Forêt de Soignes, 38e année(6) : [9-14].
1958a  Index topographique des valeurs universelles de l’art en Belgique. Bulletin de la Ligue des Amis de la Forêt de Soignes, 39e année(1) : [5-12].
1958b Journées de la forêt de Soignes 8,9,10 août 1958. Bulletin de la Ligue des Amis de la Forêt de Soignes, 39e année(3/4) : [5-7].
1958c La forêt de Soignes – Son rôle dans le développement urbanistique de l’agglomération bruxelloise. Bulletin de la Ligue des Amis de la Forêt de Soignes, 39e année(5) : [3-10].
1958d La forêt de Soignes – Son rôle dans le développement urbanistique de l’agglomération bruxelloise. Éd. Exposition universelle de Bruxelles 1958 : [7-14].
1958e Réflexions consécutives au colloque international. Éd. Exposition universelle de Bruxelles 1958 : [71-74].
1959 Espace vert, espace vital. Ligue des Amis de la Forêt de Soignes, num. spéc. Anniv. 1909-1959 : 3-52.
1960 Classée par la Commission royale des Monuments et des Sites, la forêt de Soignes est dorénavant soustraite aux convoitises des spéculateurs et à l’arbitraire de décisions partisanes prises au détriment de l’intérêt général. Bulletin de la Ligue des Amis de la Forêt de Soignes, 41e année (num. spéc.) : [1-15].
1961 Bruxelles et la forêt de Soignes. Bulletin de la Ligue des Amis de la Forêt de Soignes, 42e année(3) : [1-7].
1964 Poésie et psychanalyse de Botton de Rimbaud. Éd. Courrier du Centre d’Études poétiques, 48 : 232-238.
sans date (en collaboration avec Everaerts G., Gathy P. Gendebien J., Hubinon P. Joris C., Noirfalise A. & Sténuit J.) Ce milieu où nous vivons. Entente nationale pour la Protection de la Nature, Bruxelles : ## p.
1970a Le Sonnet des voyelles, Rimbaud répond à Etiemble. Éd. Maison internationale de la Poésie : 50 p.
1970b Arthur Rimbaud – Essai. Éd. ? : ### p.
1971 Considérations sur l’importance de Soignes. Éd. ? : 38 p.
1972 Salut, éphémère jardin***. Bulletin de la Ligue des Amis de la Forêt de Soignes, 53e année(2/3) : [20-22].

Bibliographie

1972 Cosyns P., In memoriam Professeur Vlémincq. Bulletin de la Ligue des Amis de la Forêt de Soignes, 53e(num. spéc.) : 3-17.
2009 Smolski, G., Joie de vivre et d’étudier. Témoignage d’une élève decrolyenne (1926-1937). Éd. Centre d’études decrolyennes, Bruxelles : p. 84.
2011 Koeckelenbergh A., Dessins pour… représenter la nature et les cieux  in Depraetere N., Gesché-Koning G. & Nyst N., Insoupçonnables beautés de la recherche / Les dessins dans les collections de l’ULB. Éd. Réseau des Musées de l’ULB, Bruxelles : 41-43.
2014 [Geerinck D.], Aimé Vlémincq in Tisaun P., 1913-2013 Athénée Fernand Blum Cent ans d’histoire. Éd. Athénée communal Fernand Blum, Schaerbeek : 91.

*80 ans plus tard, dans cette continuité, son successeur actuel Éric Walravens a réalisé en collaboration, une série de livres de biologie pour l’enseignement secondaire (2e et 3e degrés) et en a assuré seul toute l’illustration photographique.
** Erreur de numérotation : 3 à la place de 4, ce qui en a décalé la suite.
*** Publication posthume.

 

 

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